Compte rendu :

Conférence du 22 juin 2015 à La Tour Blanche 
par Mélanie Lebeaux sur
 « Jacquette de Montbron, une humaniste de la Renaissance »




Avant de céder la place à notre conférencière, Gabriel Duverneuil, notre président, donne aux 120 personnes présentes, quelques informations, à savoir :

  • le samedi 5 septembre, promenade historique à Verteillac, guidée par Alain de la Ville et Gabriel Duverneuil, suivie par un déjeuner à la Tour Blanche,
  • le lundi 12 octobre, conférence de L. Bolard, « voyage des peintres en Italie aux XVIème et XVIIème siècles »,
  • le samedi 21 novembre, les Journées historiques de la Tour Blanche, avec pour thème cette année : « le Fer, l’Argile et la Pierre ».

Par ailleurs, une convention concernant les fouilles de la grotte de Jovelle et le relevé des graffitis des carrières attenantes, a été signée avec le service archéologique du département ; nous y serons grandement associés. Enfin, le jeudi 2 juillet à 20h.30 et à Nontron, sera donnée une conférence sur les fouilles de la Forge Neuve.


Gabriel Duverneuil cède la parole à Mélanie Lebeaux, historienne de l’art, qui se propose de répondre à la question : Jacquette de Montbron était-elle architecte ? Pour cela, trois parties : repères historiques (1542-1598), les écrits de Brantôme, enfin, les monuments de la Renaissance qui lui sont associés.


Il n’existe qu’un portrait présumé de Jacquette de Montbron et les descriptions écrites de cette femme tant sur son physique que sur ses connaissances et sa culture nous viennent essentiellement d’une source : Brantôme, son beau-frère, vraisemblablement amoureux d’elle, donc sujette à caution. Ce dont on est sûr, c’est que son veuvage, en 1582, lui a permis de s’épanouir et qu’elle passe pour l’une des plus jolies femmes de son époque. Elle avait épousé André de Bour- deille en 1558. Elle aménage son château de Matha et tient tête au prince de Condé qui souhaite le lui prendre (1587). Puis elle entre à la cour de Catherine de Médicis qui en fait sa favorite (1587), l’appréciant pour sa beauté, son intelligence et sa culture. A sa mort (1589), la reine-mère laisser à sa favorite une forte somme qui permettra, semble-t-il à Jacquette de construire le château de Bourdeille. A la cour de Catherine de Médicis, elle a l’occasion de côtoyer des artistes de grande qualité, souvent italiens, ce qui l’inspirera dans ses goûts en matière d’architec- ture. Le château de Bourdeille est laissé inachevé ; seuls des aménagements décoratifs sont engagés au XVIIe siècle. Pierre de Bourdeille (Brantôme) nous laisse trois oraisons funèbres de toute beauté dédiées à sa belle-sœur, où l’on apprend qu’elle était belle de corps et d’âme, parlait français, espagnol, italien et latin, néanmoins, elle était proche des humbles et magnanime.

Signe de sa grande notoriété, Jean de Champagnac lui dédie deux ouvrages : un traité de physique, qui aujourd’hui encore fait foi et un traité sur l’immortalité de l’âme (1595).

Jusqu’à la Renaissance, les constructions étaient conçues et exécutées par des maîtres maçons, c’est à partir de 1485 que la notion d’architecte apparait en Italie et que commence à s’imposer ce nouveau métier. L’architecte conçoit et supervisent l’érection des bâtiments, il maîtrise les codes de l’architecture italienne inspirés de l’Antiquité ; l’un de leurs ouvrages de référence est celui de l’architecte italien Sebastiano Serlio, il est clair que Jacquette de Montbron possédait ces qualités.

Mélanie Lebeaux montre à l’aide d’images et de photographies les similitudes entre l’ouvrage de Serlio sur l’architecture et des nombreux détails de conception du château de Bourdeille et sa décoration alors que le château de Matha, ou ce qu’il en reste, en est plus éloigné. Elle nous aide à mesurer l’évolution architecturale de la Renaissance, par exemple l’emplacement des escaliers, la création des galeries, l’étude des circulations ou les décors végétaux ornant les ouvertures. Tout cela se retrouve à Bourdeille. En tout état de cause, Jacquette de Montbron semble bien être l’inspiratrice si ce n’est l’auteure des plans du château de Bourdeille. Elle a également influencé la construction de château à Rudeau-Ladosse.

Enfin, notre conférencière montre la vivacité, les connaissances et la culture des femmes depuis le Moyen-Âge, chargées de prendre en main la bonne marche et la gestion des fiefs alors que leurs époux vont guerroyer, entre autres exemples Christine de Pisan, auteure de la Cité des Dames.

Pour le Périgord et au-delà, Jacquette de Montbron aura été une femme tout à fait exceptionnelle prenant sa place dans le mouvement d’émancipation des femmes de l’aristocratie de la Renaissance.

André Vigne.


Conférence le 22 juin 2015 18 h



Jacquette de Montbron (1542-1598), femme « architecte » de la Renaissance entre Angoumois et Périgord.

Jacquette de Montbron (1542-1598), issue de l’une des plus puissantes familles de l’Angoumois, baronne de Bourdeilles et favorite de Catherine de Médicis, est présentée par son beau-frère, l’écrivain Brantôme, comme une femme lettrée et éclairée maîtrisant l’art de bâtir, aimant « fort la géométrie et architecture, y estant très-experte et ingénieuse . » L’environnement intellectuel dans lequel elle évolue est à même d’expliquer ce statut si particulier, mais aussi les solutions adoptées dans ses nombreuses possessions en Angoumois et en Périgord. Mais au-delà de la culture artistique, c’est le rôle d’une femme dans la diffusion des modèles de la Renaissance et dans la création de projets techniques et artistiques qu’il convient de mettre en exergue à travers le personnage de Jacquette de Montbron. Actrice de l’épanouissement de l’humanisme en province avec notamment le soutien d’écrivains, elle témoigne en outre de l’existence d’un mécénat féminin qui a pu se développer en dehors de la royauté. Mais ce personnage était-il si exceptionnel ? L’examen des femmes contemporaines de Jacquette de Montbron ainsi que des écrits de Brantôme, célèbre notamment pour la passion qu’il vouait à sa belle-sœur, nous permettront d’affiner un peu plus le caractère singulier de la baronne de Bourdeilles.