Compte rendu de la conférence du 21 Janvier 2013


« Au temps des Gaulois Pétrocores : les origines du Périgord »
                                                           par C. Chevillot

Environ 110 personnes ont assisté à cette conférence.
Rappels :
    * Blog du club histoire : http://clubhistoireltb.blogspot.com
     *La prochaine activité du Club Histoire et Patrimoine aura lieu à la salle polyvalente de La Tour Blanche le 25 Mars 2013 à 20h30: conférence de Patrice Rolli : « Le Périgord dans la seconde guerre mondiale. Années noires du Mussidanais et de l’ouest de la Dordogne ».
    *G. Duverneuil rappelle que les fouilles « Chez Tézy »reprendront dès les beaux jours. Ensuite le Club reprendra  le relevé des graffiti dans les carrières de La Tour Blanche et Cercles.
Une visite guidée par la ville de Périgueux du site gaulois d’Ecorneboeuf aura lieu le 23 Février. Rendez-vous Place Francheville au Syndicat d’initiative à 15h.
Un ouvrage de C. Chevillot , « Sépultures gallo-romaines dans la vallée de la Dronne » va paraître début Mars et est actuellement en souscription au prix de 25 euros.

Enfin, G. Duverneuil présente C.Chevillot, Dr de l’Université de Bordeaux III, membre associé du CNRS de l’Université de Rennes et celui-ci commence son exposé.
           Qui étaient les Pétrocores ? L’histoire des Gaulois est restée peu connue jusqu’à nos jours car ils nous ont laissé peu de traces archéologiques, ne construisant pas en pierre mais en bois et peu de traces écrites bien que connaissant l’écriture. Ce n'est que depuis les années 1970 que l'on s'intéresse à eux, depuis les travaux que C. Chevillot a entrepris sur leur mode de vie en Dordogne. 

 Chevillot va nous éclairer grâce à un commentaire toujours passionnant de photos de sites archéologiques fouillés récemment, aidé de récits de personnages de l’époque par exemple Poseidonios d’Apamée qui voyagea en 100 av. JC le long de la Garonne ou bien sûr, Jules César et sa « Guerre des Gaules ».
 Les Gaulois sont des Celtes peuplant à peu près l’actuel territoire français, mais aussi la Belgique et jusqu'aux Pays-Bas, de 700 av JC à la conquête romaine (50 Av JC). La Gaule n’existe pas car il n’y a aucune autorité regroupant ces peuples. Les Pétrocores sont un peuple situé au milieu d’une mosaïque d’autres peuples sur l’actuel Périgord, « Petrocorii » signifiant  les 4 clans armés, vraisemblablement réunis sous une même autorité au 3e siècle Av JC.
La société gauloise
 Le mode de vie gaulois est centré sur la guerre, du moins pour les élites. De nombreux hommes se louent comme mercenaires, au service d'abord des Grecs, puis des romains ou d’autres peuples.
 Artisanat, agriculture, rassemblements politiques et religieux sont destinés à soutenir l’effort de guerre. Les femmes ont un statut plus favorable qu’en Grèce ou à Rome, conservant leur liberté, leur indépendance financière, et même pouvant siéger dans les assemblées.
La société gauloise comprend plusieurs grandes catégories, les nobles et les guerriers, les paysans et les artisans, les druides et les bardes et les esclaves.
L’habitat :
Les fouilles récentes de Lacoste (gironde), de La Curade et Ecornebœuf (au-dessus de Périgueux) montrent que les Pétrocores construisaient de solides maisons en bois et terre, dont il ne reste que les trous de poteaux et parfois, pour les plus importantes, les traces de fossés les entourant ou la base en pierre d’un portail monumental.
Les restes de repas (La Curade, Ecorneboeuf) ou de greniers (la Curade), nous renseignent sur l’alimentation de ces peuples, qui repose sur une agriculture et un élevage très perfectionnés. Les premières villes gauloises, appelées « oppidum » sont  entourées d’un puissant rempart de terre comme à la Curade ou à Puy-de-Pont, muni d’une porte fortifiée.
L’alimentation :
Les gaulois sont un peuple d’agriculteurs éclairés et performants. Il y a plus de terres cultivées et moins de forêt à l’époque gauloise que de nos jours et nos paysages actuels doivent encore beaucoup à leur savoir ! Les céréales sont cultivées dans les fonds de vallées, l’élevage se fait plutôt sur les hauteurs. Ils élèvent des bœufs, des chevaux, des moutons, des porcs et des chiens dont ils consomment la chair et utilisent la peau pour son imperméabilité. Les produits de la chasse ne représentent qu’ 1% de leur alimentation, ils ne chassent pas le sanglier, seulement le lièvre, le cerf et quelques animaux sauvages (oies, canards, etc.)!
La base de leur alimentation est faite de bouillies de céréales, cuite dans des pots en terre, de grillades et de ragouts assaisonnés au cumin. Ils connaissent le poireau et la carotte sauvage, mais aussi le froment, l'épeautre, le seigle, l'orge, les pois, les fèves, les lentilles.
La maison gauloise est meublée de tables basses autour desquelles les gaulois mangent accroupis, dans des assiettes creuses (écuelles) et utilisent des couteaux en fer.
La cuisine se fait dehors ou à l'intérieur de la maison, au moyen de grils en fer ou de grands pots en terre. Les gaulois sont les spécialistes des salaisons de porc, réputées jusqu’à Rome. Le sel est produit sur la côte atlantique, d'Arcachon à La Rochelle.
L’artisanat :
Le site de Lacoste, et la vallée de la Dordogne (environs de Bergerac) nous ont laissé des restes importants de fours de potiers produisant de céramiques en général de couleur noire et d’ateliers de forge d’outils en fer (couteaux, épées, serpes, faux, forces pour tailler et tondre). Les Pétrocores étaient parmi les meilleurs artisans du fer du monde antique si l'on en croit Strabon. Certains des outils qu’ils ont créés  sont restés en usage jusqu’au XIXe siècle.
L’artisanat d’art a son importance : fibules (broches pour attacher les vêtements), bracelets en verre ou en lignite, casques de parade en or incrustés de pierreries (Agris en Charente), colliers (torque en or du trésor de Tayac en Gironde). Les échanges commerciaux s’établissent en particulier avec les Romains. Les gaulois importent du vin (dans des amphores) et exportent en échange des salaisons et des céréales.
La culture gauloise :
Les druides ont une immense culture et connaissent l’écriture mais la méprisent et la redoutent comme un moyen de diminuer leur pouvoir. Les bardes maitrisent la poésie et la musique. Certains sont capables de réciter 40 000 vers ! Ils jouent un rôle important dans la vie politique.
Non les gaulois Pétrocores n’étaient pas un peuple vivant dans les forêts et  mangeant du sanglier, mais un peuple d’agriculteurs et d’artisans de culture raffinée Certaines de leurs grandes fermes ont précédé les villas gallo romaines qui ont parsemées nos campagnes. Ils inventent un nouveau type d’urbanisation avec les oppida, sorte de ville fortifiée, comme celui de la Curade. N’oublions pas que nous leur devons entre autre les noms de la ville de Périgueux et du Périgord.


Claude Duverneuil
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C.Chevillot
G.Duverneuil-C.Chevillot



                                            Ci dessous Objets découverts lors de fouilles.









 
                                                         
Exemple d'habitat prétocorien.










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Les pétrocores le 21 Janvier 2013

                                                  Qui étaient vraiment
                               les Pétrocores?


  “Nos ancêtres les Gaulois”? Sommes-nous comme l’a érigé en vérité le XIXe siècle, les descendants des Gaulois? Que savons-nous réellement d’eux en Périgord, que nous reste-t-il à découvrir? Tout, ou presque tout... Une chose est sûre, c’est le premier peuple attesté par l’Histoire de notre région et qui a donné son nom à sa capitale actuelle Périgueux et au Périgord, mais aussi à de nombreux toponymes géographiques de notre région. Notre géographie parle gaulois...
De nombreux toponymes liés essentiellement aux rivières ou à la géographie de notre actuel département sont en dialecte gaulois des Pétrocores. Les rivières qui se terminent par le suffixe gaulois onna (en gaulois = udna qui a donné onde en latin...) ont gardé leur nom gaulois(Rizonne, Nizonne, Lizonne, Beauronne, etc.)

L’image de nos présumés “ancêtres” les Gaulois, largement entretenue par les livres d’histoire de notre enfance, est-elle vraie? Sont-ils nos ancêtres officiels de nos vieux manuels scolaires, cantonnés dans d'épaisses forêts, vivant dans des modestes huttes de branchages et condamnés à vivre de la chasse au sanglier? Toutes ces contre-vérités volent aujourd'hui en éclats... L'image d’Epinal née au XIXe siècle montrant les Gaulois comme des barbares sympathiques, courageux, bons artisans mais aussi désunis, indisciplinés, portés sur la boisson et toujours prêts à se bagarrer est bien loin de la réalité... Sans oublier les nombreux anachronismes d’une bande dessinée célèbre : Astérix! Nos pseudo-ancêtres ? En fait un mythe tardif construit de toutes pièces au XIXe siècle!
Édifiant! Le XIXe, dans beaucoup de domaines, à réécrit l’Histoire à des fins politiques ou religieuses, et il faudra du temps pour retrouver une réalité... tout autre... et surtout convaincre bon nombre de nos contemporains de ces impostures de l’Histoire inventées par le XIXe siècle! Du vrai délire. Que ce soit pour les Gaulois... ou la fin de la Guerre de Cent ans décrétée à Castillon-la-Bataille, ce qui est faux, et j’en passe et des meilleures, tout a été réinventé ou réécrit au XIXe siècle! Les Pétrocores, comme les autres peuples gaulois, n'ont jamais construit de dolmen, ne portaient pas de casques avec des ailes, n'ont jamais coupé de gui avec des faucilles en or et ne consommaient pas de sanglier... mais des des chiens élevés pour cet usage!
Nous allons tenter d’apporter un éclairage nouveau, plus nuancé, grâce aux recherches en cours et aussi à la réinterprétation des données anciennes, historiques et archéologiques! Ces recherches en cours, bien au contraire, nous montrent que nous avons à faire à une société brillante et raffinée qui a laissé de nombreuses traces dans notre paysage. Agronomes et éleveurs éclairés, les agriculteurs Pétrocores ont su choisir les cultures les mieux adaptées à leurs terres. Ce sont eux qui ont modelé  le milieu rural, l'ont façonné à leur image.
L'occupation du sol est dense, avec une ferme de plus ou moins grande importance tout les 1 km ou 1,5 km, sauf dans les endroits les plus difficiles d'accès. Les fouilles archéologiques témoignent d'une exploitation rationnelle et systématique des terroirs. Cette mise en culture  avait atteint dans certaines régions de la Gaule une telle intensité que les bois avaient quasi disparu... Les pollens retrouvés mettent en évidence peu d'essences d'arbres et beaucoup de céréales et de prairies. Donc l'image d'un paysage gaulois vivant dans un espace envahi par la forêt est fausse et, au contraire, c'est un paysage ouvert, intégralement cultivé et réservé à l'élevage. Les fouilles menées récemment à La Curade, sur Périgueux et fin 2012 à Ecornebœuf, mettent en évidence une exploitation rationnelle des espaces : moutons plus nombreux sur les plateaux alors qu'en plaine c'est le bœuf qui domine. Les Pétrocores, comme les autres populations gauloises, élèvent des chevaux, des bœufs, des porcs en quantité, des moutons, des chèvres et des... chiens pour leurs peaux et leur consommation. Le sanglier n'est pas mangé, contrairement à certains clichés, de même que le fameux coq Gaulois est fort rare...
Certaines de leurs résidences aristocratiques ont inspiré par la suite les grandes villae gallo-romaines de nos vallées du Périgord. Au cours du IIe siècle av. J.-C., ces peuples essentiellement ruraux ne vont pas rester à l'écart du phénomène urbain. Ils vont inventer un nouveau type d'urbanisation avec les oppida, comme celui de La Curade qui domine l'actuelle ville de Périgueux.
Outre leurs grandes qualités d'agriculteurs et d'éleveurs, les Gaulois sont réputés pour leurs habiles artisans et Strabon décrit les Pétrocores (avec les Bituriges Cubii qui habitent Bourges) comme étant parmi les artisans les plus réputés du monde antique de la métallurgie du fer. Cet aspect est largement vérifié par les fouilles en cours du site de Lacoste près de Castillon-la-Bataille, qui se trouvait en fait en territoire Pétrocore. Là, des artisans ont produit des milliers d'objets en fer du IIIe au Ier s. av. J.-C. à partir de lingots de fer produits dans le pagus des Pétrocores.
Comme on le voit, depuis trente ans, les découvertes se sont multipliées et permettent de battre en brèche de nombreuses idées reçues et fausses sur les Gaulois.

Notre actuel département de la Dordogne, souvent appelé – avec juste raison “Périgord” –, est en fait l’héritier du pays d’un peuple Celte qui s’appelait les Pétrocores. En effet, les sources écrites des auteurs anciens, que ce soit Strabon, Pline l’Ancien, Ptolémée et même l’illustre Jules César, les nomment Petrocorii. Ce nom résulte de l’association de deux mots celtes, petro qui signifie quatre et corii, qui désigne un “rassemblement de clans armés”. Le peuple Pétrocore se serait donc formé à partir de l’alliance de quatre familles dirigées par des élites en armes. Par contre nous ignorons à quelle date précise cette alliance s’est faite, probablement au cours du IIIe siècle av. J.-C., comme pour beaucoup d’autres peuples Celtes qui ont occupé ce territoire que César appellera arbitrairement la Gaule, pays qui n'existe pas et n'a jamais existé. Dans la foulée il inventera aussi la Germanie, peuplée de farouches et redoutables Germains, en fait des Celtes comme ceux qui habitaient de l’autre côté du Rhin... mais qu’il n’a pas pu 

conquérir !
Le peuple des Pétrocores est mentionné pour la première fois au moment de la fameuse “Guerre des Gaules” et dans son livre, Jules César précise qu’il a participé à la défense d’Alésia auprès de Vercingétorix par l’envoi d’un contingent de 5000 hommes armés, chiffre qui nous paraît quelque peu excessif et volontairement gonflée par César pour mieux assurer le prestige de la conquête de la Gaule.
Je vous propose de partager avec moi les connaissances récentes acquises sur les Pétrocores et les autres peuples qui les entouraient.

Christian CHEVILLOT
Dr de l'Université de Bx III
Membre associé du CNRS (Université de Rennes I)

 Bibliographie
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Repas Gaulois à Beynac


                                                                      fouilles minutieuses.