Compte rendu de la conférence du 20 mars 2017: "Les clochers dans nos paysages"



Les clochers dans nos paysages

Que serait la France sans ses clochers ? En 1981, un futur président ne s’y était pas trompé. Le clocher de son affiche électorale représentait la tradition rurale, profonde et historique de la France. Il fut élu. Que racontent les clochers dans nos paysages ? Le 20 mars, lors d’une nouvelle conférence très suivie (environ 100 participants) du Club Histoire de La Tour Blanche, Alain de La Ville s’est attaché à répondre à cette question.

De nombreuses églises romanes n’avaient pas de clocher comme celle de St Privat-des-Prés ou celle de Bourg des Maisons. Les premiers clochers furent édifiés en Italie dès le haut moyen âge  sous forme de campanile. Ces tours ou constructions portant des cloches étaient indépendantes du bâtiment de l’église. C’est le cas du clocher de Brantôme voire de celui de Saint Front. Certains clochers ont été construits uniquement pour porter des cloches : les clochers-murs des Cévennes par exemple. A partir du XIème siècle, le campanile est supplanté par le clocher qui s’établit sans rival hors d’Italie. Pointés vers le Ciel, les clochers sont au moyen-âge l’expression du divin, mais aussi l’affirmation de la présence spirituelle et temporelle du Clergé sur son territoire. Dans certains cas, ils peuvent signifier la puissance. Lieux de rassemblement de la communauté chrétienne, ils rythment tout autant la vie religieuse que la vie quotidienne. Au 19ème siècle, l’évolution des techniques permit de construire à un coût abordable des flèches perçant les nuages pour atteindre les cieux. Ce fut le cas pour l’église de Verteillac.

Le premier rôle des cloches et par extension des clochers, est d’appeler les fidèles à la prière, en particulier au moment de l’Angélus qui dans de nombreux villages comme à Cherval, est encore sonné trois fois par jour (7h, 12h, 19h). Le rôle des cloches va au-delà. Le tocsin alerte la population d’un danger imminent, le glas signale l’agonie, la mort ou des obsèques, les volées annoncent un évènement heureux.

Au moyen-âge, les clochers sont aussi des tours de guet. Ils servent de refuge et de défense pour les communautés villageoises qui n’ont pas de château. On en a une bonne illustration avec les églises de St Martial de Viveyrol, Paussac, Bouteilles San Sébastien, Lusignac, St Germain du Salembre, Grand Brassac, Vieux Mareuil, Cercles, ou encore Cherval. Les clochers de certaines de ces églises ont des mâchicoulis créant un surplomb facilitant la protection des portes.

Les clochers vont peu à peu à peu quadriller le territoire et constituer des repères géographiques. Ils permettent en outre de s’orienter, le support fixe de la girouette indiquant comme à Cherval les quatre points cardinaux. Avec la sonnerie des cloches et la présence des horloges, ils rythment le temps.

De nombreux clochers subirent la tourmente révolutionnaire. Ils furent restaurés à partir du Concordat de 1801, début de l’époque des curés bâtisseurs.

Chaque clocher a sa voix. La fabrication des cloches en airain (80% de cuivre + 20% d’étain) obéit à des règles de géométrie qui se sont perfectionnées dans le temps. Composée de différentes parties (joug, anses, cerveau, épaule, robe, panse, pince, lèvre inférieure, battant, faussure), chaque cloche doit émettre la sonnerie la plus belle possible, à l’image de celle de Verteillac qui vient d’être restaurée. L’installation d’une cloche suit par ailleurs des rites avec un parrain et une marraine.

Les clochers sont en définitive les marqueurs de nos paysages, et notamment de nos paysages ruraux. Ils suggèrent souvent des sentiments de paix et d’éternité comme celui de Magnac Lavalette. Dans des paysages qui évoluent, ils rappellent la continuité du temps. A une époque où l’on a tendance à délaisser les campagnes, ils pourraient être aussi des fédérateurs d’énergie pour reconquérir et revitaliser nos territoires.

Bruno Déroulède
Mars 2017


A l'aube de l'art Roman en Périgord




Lundi 10 avril, La Tour Blanche, salle polyvalente, 20h 30

À l’aube de l’art roman en Périgord

Cette conférence aura pour objectif d’évoquer les prémices d’un art roman qui est lui-même difficile à saisir, celui de l’ancien diocèse de Périgueux, qui tient une place singulière en Aquitaine, à la croisée des influences entre Limousin, Languedoc, Gascogne et Pays Charentais. Au sein d’une production romane dominée par quelques grands monuments, les premières phases de constitution de ce paysage artistique au cours du XIe siècle sont encore méconnues et confuses. La conférence permettra d’aborder quelques témoins majeurs, souvent discrets, de ces premiers élans, qui seront mis en perspective avec la production de l’ensemble de l’espace aquitain.

Le conférencier : Christian Gensbeitel

Maître de conférences en histoire de l’art médiéval à l’université Bordeaux Montaigne, est rattaché à l’UMR 5060 IRAMAT-CRP2A, laboratoire spécialisée dans l’étude des matériaux du patrimoine. Il a été entre 1990 et 2006 le directeur de l’Atelier du Patrimoine de Saintonge et animateur de l’architecture et du patrimoine de Saintes Ville d’Art et d’Histoire. Il a consacré sa thèse, soutenue en 2004, aux débuts de l’architecture romane dans les pays charentais. Il a dirigé un ouvrage collectif sur l’Abbaye aux Dames de Saintes (2009) et publié des ouvrages et articles consacrés à l’architecture romane dans l’espace aquitain. Il s’intéresse à l’architecture religieuse romane et préromane de la France de l’Ouest et du Sud-Ouest, avec une prédilection pour l’étude des modes de construction et l’approche archéologique des édifices, ainsi qu’aux questions plus spécifiques des ensembles monastiques et de leurs sanctuaires. Il intègre dans son champ de recherche le décor sculpté des édifices, et s’intéresse aux questions d’héritage historiographique et de construction des doctrines de l’archéologie monumentale médiévale. Il dirige actuellement un Programme Collectif de Recherche consacré à l’église et au prieuré Saint-Eutrope de Saintes et anime depuis 2015 les Rencontres médiévales de Trizay et a conçu en 2016 l’exposition virtuelle « La Charente-Maritime, l’art roman à ciel ouvert » sur le site du Conseil départemental