Les de Lageard de Cherval, une dynastie de sénéchaux d'Angoumois (1554-1790)

 

Les de Lageard de Cherval, une dynastie de sénéchaux1 d’Angoumois (1554-1790)

Bien que son père, Hélie, seigneur du Bourbet, de Cherval et autres lieux, militaire et ambassadeur, fût connu de François 1er, alors comte d’Angoulême, qui l’avait dépêché en 1506 auprès de Louis XII pour demander la main de Claude, sa fille, c’est Laurent, seigneur de Cherval2, du Bourbet, etc…qui sera, en 1554, le premier de la lignée à être nommé sénéchal d’Angoumois par François 1er, en remplacement de Jean de Gontaut, démissionnaire et en remerciement des services rendus par… son père. En 1542, à la mort de celui-ci, il avait déjà hérité de la charge de Président en la Cour et Parlement de Bordeaux. En 1544, il avait épousé Gabrielle de Salignac de Fénelon, d’où treize enfants. Il décède en 1561 et elle en 1588, tous deux sont inhumés en l’église de Cherval. C’est Geoffroy, chevalier, seigneur de Cherval, Jovelle et autres lieux, né vers 1541, qui lui succéda comme sénéchal d’Angoumois mais aussi comme conseiller puis membre du Grand conseil du Parlement de Bordeaux. Puis vînt Philippe, seigneur du Bourbet, Cherval, Saint-Martial, Beauregard, etc…, conseiller du roi, confirmé sénéchal d’Angoumois par lettre d’Henri IV en 1600. Il épouse en 1599, Renée Goullard de Touverac avec laquelle il aura six enfants, dont François, chevalier et seigneur des mêmes lieux que son père, conseiller du roi, qui aura le titre de Grand sénéchal d’Angoumois, il épousera en 1647 Suzanne de Maron et résignera sa charge en 1675 au bénéfice de son fils Jean (alias Jean-Hélie), dont la nomination est confirmée par Louis XIV la même année. Le fils de celui-ci, Pierre, chevalier, dit marquis de Cherval, prendra sa suite en 1712, puis viendra à cette charge Jean-Hélie, comte de Cherval, baptisé en 1715 en l’église de Cherval, capitaine au régiment d’Harcourt, chevalier de Saint-Louis, Grand sénéchal d’Angoumois, qui avait épousé en 1751, Elisabeth le Musnier de Blanzac. Il a été tué à la bataille de Rossbach3 en 1757. Enfin, le dernier sénéchal de l’Angoumois sera Pierre, marquis de Cherval, né à Angoulême en 1752, page de la Petite écurie du roi en 1766. En 1780, il épouse Joséphine-Emilie de Menou. Il a comparu à l’assemblée de la noblesse en 1789, il sera nommé maire de Cherval le 2 juin 1808. Il meurt en 1830.

Sur près de 250 ans, c’est une même famille par huit de ses membres, qui a représenté en Angoumois et singulièrement dans l’enclave angoumoisine, dix rois de France, de François 1er à Louis XVI.

Pierre, puisque c’est l’un de ses privilèges en tant que Grand sénéchal aura été le dernier à réunir le ban et l’arrière ban de la noblesse d’Angoumois afin de rédiger les cahiers de doléances en vue des derniers états généraux de France.

Si les de Lageard se sont fait connaître par leurs capacités négociatrice, administrative et juridique, il faut souligner qu’au fil de l’Histoire, il se sont également illustrés dans le métier des armes. Ainsi, Nicolas, fils de François, baptisé en 1688 à Saint-Etienne de Nontron, fut lieutenant-colonel du régiment de Mgr le Dauphin et brigadier des armées du roi ; Raphaël, né en 1690, comte de Cherval, fils de Jean, fut major de la mestre de camp général dragon, commandant à Pont-à-Mousson ; son fils, Louis-Marie (1756-1834) fut officier de marine, effectua cinq campagnes et fut deux fois blessé ; nous avons vu Jean-Hélie, fils de Pierre, tué en 1757 à Rossbach. De nombreux autres membres de la famille s’illustrèrent dans les combats jusque Louis-Auguste, tué lors de la guerre de 1914-1918, sur le front d’orient et dont la tombe 6354 se trouve au cimetière français de Zeitenlick près de Tessalonique.

L’un des derniers représentants de la branche de Cherval,  Pierre a été maire du village en 1808 et son fils Aimé-Achille-Louis, marquis de Cherval, né en 1783, sera maire de Cherval de 1811 à 1831, puis de 1839 à 1842 et de 1844 à 1849.

 

Nicole Vigne.

 1 Représentant du roi dans les territoires moyens, le sénéchal est depuis le Moyen-Age à la fois chargé des affaires domaniales et financières, de la police et de la justice dans la sénéchaussée

2 Cherval a fait partie de l’enclave angoumoisine jusqu’à la Révolution, aussi le sénéchal était-il dit d’Angoumois.

3 Pendant la Guerre de Sept ans, la bataille de Rossbach a opposé les Français aux Prussiens et s’est traduite par une cuisante défaite des Français.

La sénéchaussée d’Angoumois

  La première mention d’un sénéchal d’Angoumois date de 1215, lorsque Jean sans terre, roi d’Angleterre lui confia les châteaux de Cognac et Jarnac et qu’il ordonna de réunir au comté d’Angoulême la châtellenie de Cognac auparavant unie au Poitou par Richard Cœur de Lion.

En 1218, le sénéchal était B. Dupuy1 , il semble bien avoir été le premier à cette charge. En 1250, le sénéchal Guillaume Foucauld2 apparaît dans un litige entre Yolande, comtesse d’Angoulême et Pierre II, évêque d’Angoulême, entre autres sujets de discordes concernés : des droits prélevés lors des foires de Saint-Martin. En 1278, c’est Geoffroy de Queyrayo qui est le sénéchal du comte d’Angoulême. Puis, jusqu’en 1316, la sénéchaussée est rattachée au Limousin, année où Philippe V, roi de France, unit le Limousin à la Saintonge. De 1317 à 1349 on nomme des sénéchaux royaux et des sénéchaux comtaux. La sénéchaussée et le siège du présidial d’Angoulême sont composés du sénéchal, de trois lieutenants-généraux tant pour le civil que la police ou le criminel, de deux lieutenants particuliers et de quinze conseillers. Il y avait encore un avocat du roi, deux substituts, un greffier pour la sénéchaussée, un greffier de la police et 48 procureurs. Dans les années 1350, la sénéchaussée d’Angoulême comprenait : le chef-lieu et le siège d’une prévôté, la châtellenie de Touvre, la prévôté de Villebois et la Tour Blanche (en Dordogne), celle d’Aubeterre, la châtellenie de Bouteville, la prévôté de Cognac et de Merpins. Les autres châtellenies n’étaient pas mentionnées, soit qu’elles fussent occupées par les Anglais, soit qu’elles dépendent du Poitou ou de la Marche.

Sous la domination anglaise, Edouard III Plantagenêt conserva l’organisation antérieure, cependant, la sénéchaussée d’Angoumois fut un temps associée à celle de Saintonge jusque vers 1366 où Henry de la Haye s’intitulait sénéchal d’Angoulême. On notera qu’un Anglais a été sénéchal d’Angoumois : Richard Tottesham, nommé par Edouard III en 1361.

Au fil des ans, de 1218 à 1789, ce sont 34 sénéchaux qui auront précédé les 8 de Lageard qui mettront fin à la charge avec la Révolution.

 

 

 

1 Bulletin de la SAHC année 1935

2 J.M. Ouvrard, Sénéchaussée d’Angoulême