Les de Lageard de Cherval, une dynastie de sénéchaux d'Angoumois (1554-1790)

 

Les de Lageard de Cherval, une dynastie de sénéchaux1 d’Angoumois (1554-1790)

Bien que son père, Hélie, seigneur du Bourbet, de Cherval et autres lieux, militaire et ambassadeur, fût connu de François 1er, alors comte d’Angoulême, qui l’avait dépêché en 1506 auprès de Louis XII pour demander la main de Claude, sa fille, c’est Laurent, seigneur de Cherval2, du Bourbet, etc…qui sera, en 1554, le premier de la lignée à être nommé sénéchal d’Angoumois par François 1er, en remplacement de Jean de Gontaut, démissionnaire et en remerciement des services rendus par… son père. En 1542, à la mort de celui-ci, il avait déjà hérité de la charge de Président en la Cour et Parlement de Bordeaux. En 1544, il avait épousé Gabrielle de Salignac de Fénelon, d’où treize enfants. Il décède en 1561 et elle en 1588, tous deux sont inhumés en l’église de Cherval. C’est Geoffroy, chevalier, seigneur de Cherval, Jovelle et autres lieux, né vers 1541, qui lui succéda comme sénéchal d’Angoumois mais aussi comme conseiller puis membre du Grand conseil du Parlement de Bordeaux. Puis vînt Philippe, seigneur du Bourbet, Cherval, Saint-Martial, Beauregard, etc…, conseiller du roi, confirmé sénéchal d’Angoumois par lettre d’Henri IV en 1600. Il épouse en 1599, Renée Goullard de Touverac avec laquelle il aura six enfants, dont François, chevalier et seigneur des mêmes lieux que son père, conseiller du roi, qui aura le titre de Grand sénéchal d’Angoumois, il épousera en 1647 Suzanne de Maron et résignera sa charge en 1675 au bénéfice de son fils Jean (alias Jean-Hélie), dont la nomination est confirmée par Louis XIV la même année. Le fils de celui-ci, Pierre, chevalier, dit marquis de Cherval, prendra sa suite en 1712, puis viendra à cette charge Jean-Hélie, comte de Cherval, baptisé en 1715 en l’église de Cherval, capitaine au régiment d’Harcourt, chevalier de Saint-Louis, Grand sénéchal d’Angoumois, qui avait épousé en 1751, Elisabeth le Musnier de Blanzac. Il a été tué à la bataille de Rossbach3 en 1757. Enfin, le dernier sénéchal de l’Angoumois sera Pierre, marquis de Cherval, né à Angoulême en 1752, page de la Petite écurie du roi en 1766. En 1780, il épouse Joséphine-Emilie de Menou. Il a comparu à l’assemblée de la noblesse en 1789, il sera nommé maire de Cherval le 2 juin 1808. Il meurt en 1830.

Sur près de 250 ans, c’est une même famille par huit de ses membres, qui a représenté en Angoumois et singulièrement dans l’enclave angoumoisine, dix rois de France, de François 1er à Louis XVI.

Pierre, puisque c’est l’un de ses privilèges en tant que Grand sénéchal aura été le dernier à réunir le ban et l’arrière ban de la noblesse d’Angoumois afin de rédiger les cahiers de doléances en vue des derniers états généraux de France.

Si les de Lageard se sont fait connaître par leurs capacités négociatrice, administrative et juridique, il faut souligner qu’au fil de l’Histoire, il se sont également illustrés dans le métier des armes. Ainsi, Nicolas, fils de François, baptisé en 1688 à Saint-Etienne de Nontron, fut lieutenant-colonel du régiment de Mgr le Dauphin et brigadier des armées du roi ; Raphaël, né en 1690, comte de Cherval, fils de Jean, fut major de la mestre de camp général dragon, commandant à Pont-à-Mousson ; son fils, Louis-Marie (1756-1834) fut officier de marine, effectua cinq campagnes et fut deux fois blessé ; nous avons vu Jean-Hélie, fils de Pierre, tué en 1757 à Rossbach. De nombreux autres membres de la famille s’illustrèrent dans les combats jusque Louis-Auguste, tué lors de la guerre de 1914-1918, sur le front d’orient et dont la tombe 6354 se trouve au cimetière français de Zeitenlick près de Tessalonique.

L’un des derniers représentants de la branche de Cherval,  Pierre a été maire du village en 1808 et son fils Aimé-Achille-Louis, marquis de Cherval, né en 1783, sera maire de Cherval de 1811 à 1831, puis de 1839 à 1842 et de 1844 à 1849.

 

Nicole Vigne.

 1 Représentant du roi dans les territoires moyens, le sénéchal est depuis le Moyen-Age à la fois chargé des affaires domaniales et financières, de la police et de la justice dans la sénéchaussée

2 Cherval a fait partie de l’enclave angoumoisine jusqu’à la Révolution, aussi le sénéchal était-il dit d’Angoumois.

3 Pendant la Guerre de Sept ans, la bataille de Rossbach a opposé les Français aux Prussiens et s’est traduite par une cuisante défaite des Français.

La sénéchaussée d’Angoumois

  La première mention d’un sénéchal d’Angoumois date de 1215, lorsque Jean sans terre, roi d’Angleterre lui confia les châteaux de Cognac et Jarnac et qu’il ordonna de réunir au comté d’Angoulême la châtellenie de Cognac auparavant unie au Poitou par Richard Cœur de Lion.

En 1218, le sénéchal était B. Dupuy1 , il semble bien avoir été le premier à cette charge. En 1250, le sénéchal Guillaume Foucauld2 apparaît dans un litige entre Yolande, comtesse d’Angoulême et Pierre II, évêque d’Angoulême, entre autres sujets de discordes concernés : des droits prélevés lors des foires de Saint-Martin. En 1278, c’est Geoffroy de Queyrayo qui est le sénéchal du comte d’Angoulême. Puis, jusqu’en 1316, la sénéchaussée est rattachée au Limousin, année où Philippe V, roi de France, unit le Limousin à la Saintonge. De 1317 à 1349 on nomme des sénéchaux royaux et des sénéchaux comtaux. La sénéchaussée et le siège du présidial d’Angoulême sont composés du sénéchal, de trois lieutenants-généraux tant pour le civil que la police ou le criminel, de deux lieutenants particuliers et de quinze conseillers. Il y avait encore un avocat du roi, deux substituts, un greffier pour la sénéchaussée, un greffier de la police et 48 procureurs. Dans les années 1350, la sénéchaussée d’Angoulême comprenait : le chef-lieu et le siège d’une prévôté, la châtellenie de Touvre, la prévôté de Villebois et la Tour Blanche (en Dordogne), celle d’Aubeterre, la châtellenie de Bouteville, la prévôté de Cognac et de Merpins. Les autres châtellenies n’étaient pas mentionnées, soit qu’elles fussent occupées par les Anglais, soit qu’elles dépendent du Poitou ou de la Marche.

Sous la domination anglaise, Edouard III Plantagenêt conserva l’organisation antérieure, cependant, la sénéchaussée d’Angoumois fut un temps associée à celle de Saintonge jusque vers 1366 où Henry de la Haye s’intitulait sénéchal d’Angoulême. On notera qu’un Anglais a été sénéchal d’Angoumois : Richard Tottesham, nommé par Edouard III en 1361.

Au fil des ans, de 1218 à 1789, ce sont 34 sénéchaux qui auront précédé les 8 de Lageard qui mettront fin à la charge avec la Révolution.

 

 

 

1 Bulletin de la SAHC année 1935

2 J.M. Ouvrard, Sénéchaussée d’Angoulême

 

Compte rendu de la conférence du 6 novembre de C. Chevillot "les fouilles 2023 du site de la Peyrouse: une ville gauloise puis gallo-romaine"


Résumé de  la conférence du 6 Novembre 2023

Christian  Chevillot, Membre associé du CNRS (Université de Rennes 1),  Président de l’ADRAHP , nous a présenté l'avancée des recherches qu'il mène depuis 2014 avec son collègue Eneko Hiriart (Chercheur au CNRS à Bordeaux) sur la ville gauloise ouverte de Saint-Felix-de-Villadeix.

  Découverte en juillet 2014 par C. Chevillot, elle a fait l'objet de prospections et sondages archéologiques sous sa direction jusqu'en 2020. Les prospections qu'il a menées sur ce plateau entre le Caudeau et la Louyre avec l'équipe de l'ADRAHP ont permis d'identifier une vaste ville gauloise puis gallo-romaine (IIIe siècle av. J.-C. - IIe siècle ap. J.-C.) de plusieurs dizaines d'hectares.

Ces prospections pédestres autorisées par le Service régional de l'Archéologie, ont permis de découvrir de très nombreux objets de la vie quotidienne des Pétrocores (peuple qui a donné son nom au Périgord et à Périgueux) et prouver l'existence d'une vaste ville ouverte gauloise à La Peyrouse : objets de parures (fibules, bracelets en métal ou verre), premières monnaies, outils agricoles et artisanaux, abondantes céramiques pour stocker et pour le service de la table, tessons de centaines d'amphores originaires d'Italie transportant du vin, milliers d'os des animaux consommés (cochon, bœuf, mouton, chèvre, cheval... et chien). Les Pétrocores, éleveurs et agriculteurs chassaient très peu.

C. Chevillot a également mis en évidence une route importante qui passe par ce site, en provenance de Périgueux et qui se dirige vers Agen, ainsi que l'existence de mines de fer aux alentours du site. Les Pétrocores étaient réputés dans l'Antiquité pour la qualité de leur fer. Avec la production de fer, cette ville avait une activité d’échanges commerciaux avec d’autres villes gauloises en Aquitaine, en particulier avec celle de Lacoste près de Castillon-la-Bataille.

 En 2019 , Eneko  Hiriart, chercheur au CNRS, archéologue et numismate, va venir aider C. Chevillot et prendre en charge les fouilles sur le site. En 2020, l'équipe de Vivien Mathé, aidé de Juliette Hantrais, vont débuter une campagne de prospections géophysiques qui vont amener une découverte majeure : l'existence d'un sanctuaire gaulois à La Peyrouse, le premier connu et fouillé en Aquitaine. Les opérations archéologiques dirigées par Eneko Hiriart depuis cette date et les prospections dirigées par C. Chevillot ont permis de confirmer l'existence d'une vaste ville gauloise, puis gallo-romaine, occupée entre le IIIe s. a.C. et le IIe s. p.C.  Sa chronologie la place au rang des premières villes qui apparaissent en Europe tempérée. 

Ces dernières années, de vastes projets pluridisciplinaires visent à comprendre l'organisation, l'évolution et l'environnement de ce site majeur. Ce sont plus de 60 chercheurs, dans des disciplines très diverses, qui œuvrent désormais à la compréhension de ce site majeur en Aquitaine.

Notre communication présentera les derniers apports issus des prospections pédestres (C. Chevillot) et des fouilles (E. Hiriart) qui dévoilent progressivement le premier temple gaulois connu en Aquitaine.

 

En fin de conférence Christian Chevillot  a aimablement répondu aux nombreuses questions de son auditoire . Le club Histoire et Patrimoine de La Tour Blanche et ses environs remercie chaleureusement  Christian Chevillot pour son excellente présentation à laquelle ont assisté plus de 80 personnes.

Isabelle Guichard


 

Voyage en poésie entre Dronne et Lizonne

 

Voyage en poésie entre Dronne et Lizonne

Le troubadour Guilhem de la Tour y naquit, l’écrivain Brantôme y habita longtemps, la poétesse Herminie de Verteillac -duchesse de Rohan - en porta le nom : la motte castrale de la Tour Blanche serait-elle « une butte aux poètes » ?

Montons au donjon et scrutons les alentours : c’est Mareuil au nord et son troubadour Arnaut, Ribérac au sud et un autre Arnaut, Arnaut Daniel, et à l’ouest, sur la Dronne, plus dans le lointain, Champagnac de Belair, patrie de la bonne Charlotte Serre, une poétesse plus contemporaine.

Ce pays d’entre Dronne et Lizonne serait-il alors une contrée poétique, réelle et non mythique, dont l’antique donjon serait le lieu géométrique, épicentre ?

Vous êtes tous conviés à un voyage en son sein, jalonné par l’écoute de ses poètes -leur découverte peut-être -, en étant guidés par les lectures de Jacques Lassort, fondateur et animateur du « Cercle des poètes d’Arcachon », d’Alain Clément natif du lieu et poète lui-même, ainsi que par Katy Bernard, professeur à l’université de Bordeaux-Montaigne et occitaniste, qui nous permettra d’aller encore plus loin dans cette expérience poétique en nous faisant partager le fruit de ses recherches et réflexions sur la poésie d’Arnaut Daniel  avec sa conférence 

« Comme la chair et l'ongle" 

"L'image et les images de l'Amour chez Arnaut Daniel »

Alain Clément


Ne manquez pas ce rendez-vous poétique

  Samedi 2 décembre à partir de 15 h

 à la salle polyvalente

de La Tour Blanche







Conférence de Christian Chevillot et Eneko Hiriart

 


 


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A La Peyrouse (Saint-Félix-de-Villadeix, Dordogne), les opérations archéologiques ont permis de confirmer l'existence d'une vaste ville gauloise, puis gallo-romaine, occupée entre le IIIe s. a.C. et le IIe s. p.C. 

Sa chronologie la place au rang des premières villes qui apparaissent en Europe tempérée. Ces dernières années, de vastes projets pluridisciplinaires visent à comprendre l'organisation, l'évolution et l'environnement de ce site majeur. 

Notre communication présentera les derniers apports issus des prospections pédestres (C. Chevillot) et des fouilles (E. Hiriart) qui dévoilent progressivement le premier temple gaulois connu en Aquitaine.

Compte rendu de la conférence "Antoine Dejean de Jovelle, 1750-1814, un aristocrate du siècle des lumières, sa vie et sa bibliothèque"

 

        Exposition des dessins de Joanna Furgalska

François-Antoine Dejean de Jovelle (1750-1814)

             Conférence de Gabriel Duverneuil
 
Son histoire s’articule autour des châteaux de Jovelle et de Fongrenon.

Deux inventaires du château de Jovelle, l’un de 1757 et l’autre de 1777 ont attiré l’attention de l’auteur et lui ont permis de faire des comparaisons, en particulier la bibliothèque particulièrement fournie.
François-Antoine appartient à une famille qui fut au XVIe siècle de religion protestante. Son père seigneur de la Jobertie épouse en 1749 Marie de la Croix fille du seigneur de Jovelle (La Tour Blanche) de cette union viendront 4 garçons et 2 filles. 3 de ses frères seront militaires un autre prêtre. Lui-même entre dans l’armée très jeune en 1761, comme c’est d’usage à cette époque, à l’âge de 11 ans.

Il fera toute sa carrière dans différentes garnisons du nord de la France? dans l'infanterie puis dans les gardes du corps du roi avec le grade de capitaine. 

Sa tante, Marie-Andrée de la Croix, veuve sans enfant, va acquérir le château de Fongrenon en 1768 et fera de son neveu son héritier.

En 1756 son père avait acquis un domaine à La Tour Blanche, en dessous de la maison Du Chazaud, qu’il fera anoblir par Thibaut de Labrousse seigneur de Verteillac et La Tour Blanche, sous le nom de St Project et y fera construire une maison noble.
François-Antoine se marie en 1777. Deux ans auparavant il avait fait un séjour en Angleterre pour retrouver la trace de sa famille protestante qui avait émigré. 

Il quitte l’armée en 1779, acquiert différents biens dans la région et gère ses domaines de main de maître.

Ainsi en 1780 il fait revenir à son frère le titre de prieur de Feix qui lui avait été accordé par l’abbé de Saint-Cybard d’Angoulême, titre contesté par l’évêque de Périgueux.

Quatre ans après, il menace de procès des paysans qui tiraient des pierres sans son accord dans ses carrières de Jovelle.
L’estimation des biens meubles de Jovelle s’élève en 1757 à la somme de 4150 £ et à 16 000 £ en 1777, 20 ans après.

La bibliothèque est estimée à 1683 £, soit le dixième du montant total. Elle renfermait 356 livres en 1777 pour un seul livre de messe en 1757. On trouve des ouvrages d’auteurs anglais témoignant de l’anglophilie générale de cette époque, des traités philosophiques, les grands auteurs français contemporains ; on observe une grande diversité des confessions religieuses des auteurs ou traducteurs , vingt-huit de ceux-ci sont mis à l’index. Beaucoup de dictionnaires, des livres traitant de l’histoire et de l’éducation.
       
Au moment de la Révolution, François-Antoine sera un des rédacteurs des cahiers de la noblesse. Il émigre en 1791 après l’arrestation du roi à Varennes. 

Jovelle sera occupé par des métayers de 1788 à 1796. Après son retour d’émigration en 1802, il est nommé maire de Cercles par le préfet de la Dordogne en 1806. Il le restera jusqu’en 1813, un an avant sa mort.    
François-Antoine Dejean de Jovelle fut un noble de province, très cultivé. Militaire, homme attaché à ses privilèges, catholique par commodité mais très éclectique dans ses lectures. Il fut un fervent royaliste, partisan de la monarchie à l’anglaise.

Marie Paluë
 

La conférence a été suivie par un peu plus de 90 personnes. 

Le public a été accueilli par une exposition, très appréciée, des dessins de Joanna Furgalska. Ils représentaient les châteaux de Jovelle et de Fongrenon ainsi que des lieux de Brantôme et de Léguillac de Cercles.



Traduction Finn Anson

François-Antoine Dejean de Jovelle (1750-1814)


                                   Conference by Gabriel Duverneuil
 
The story of François-Antoine Dejean de Jovelle revolves around two estates : Château de Jovelle and Château de Fongrenon.

Two inventories from Chateau de Jovelle caught the attention of Gabriel Duverneuil, one from 1757 and the other from 1777, and enabled a comparison of the two, particularly that of the copious library.

François-Antoine was born into a protestant family going back to the 16th century. His father, Seigneur of Jobertie, married the daughter of the Seigneur of Jovelle (La Tour Blanche), Marie de La Croix, in 1749. They had six children; four boys and two girls. Three of the boys went into the army and the fourth became a priest. He, himself, entered the army at the age of eleven, in 1761, as was the custom of the time.

He spent his entire military years in different French garrisons initially in the infantry and subsequently in the Royal bodyguard as a captain. 

His aunt, Marie-Andrée de la Croix, a widower without children, acquired the Chateau de Fongrenon in 1768 and bequeathed it to her nephew.

In 1756 his father acquired a domain in La Tour Blanche, just beneath that of the Du Chazaud family, acquiring a title by Thibaut de Labrousse, seigneur of Verteillac and La Tour Blanche, under the name of Saint Projet,  and building a consequential abode.

François-Antoine was married in 1777. In 1775 he had spent some time in England researching his protestant emigrant family.

He left the army in 1779, acquiring differing properties in the region and spending his time looking after them

In 1780 he enabled his brother to recuperate the title of Prior of Feix that had been bestowed by the abbot of Saint-Cybard d’Angoulême, an office that had been opposed by the bishop of Périgueux.

Four years later, he threatened legal action against local farmers who were exploiting his quarries at Jovelle without prior permission.

The value of the contents of Jovelle was estimated at £4150 in 1757 and £16000 twenty years later in 1777

The library was estimated at one tenth of the total value, id est £1683.

It contained 356 books in 1777; a far cry from the one missal in 1757. Many English authors were present witnessing the Anglophile nature of the time, treatises on philosophy and esteemed French contemporary authors. The collection also contained a grand diversity of volumes on various religious professions, both authors and translators. Of these, twenty eight featured in the Index. There were many dictionaries, and books on history and education.

At the Revolution, François-Antoine was one of the editors of the Cahiers de la Noblesse. He emigrated in 1791 after the arrest of the king in Varennes.       
Jovelle was occupied by tenant farmers from 1788 to 1796.

He returned from exile in 1802. In 1806 he was named mayor of Cercles by the Prefect of Dordogne, and remained in office until 1813, one year before his death.

François-Antoine Dejean de Jovelle hailed from the rural nobility; an erudite man of the provinces. A soldier and man attached to his privileges, catholic by convenience though eclectic in his reading. He was a fervent royalist and partisan of an English style monarchy.

Marie Paluë, 


 

The conference was attended by over 90 people

At the entry, attendees were greeted by a much appreciated exhibition of the work of Joanna Furgalska, representing the estates of Jovelle and Fongrenon, alongside works representing Brantôme and Léguillac de Cercles.

 Ce livre est en vente à Périgueux (Marbot), Ribérac (l'arbre aux palabres), Verteillac (librairie et journaux) et dans la mairie et les commerces de La Tour Blanche. (20€)

Un chantier naval et une flottille....A Versailles

 



Un chantier naval, une flottille à Versailles

du temps de Louis XIV

« Quand on peut tout ce qu’on veut, il n’est pas aisé de ne vouloir que ce que l’on doit » Louis XIV



Je vous invite aujourd'hui à une visite des jardins du château de Versailles.

Pas d’inquiétude, nous n'arpenterons pas en tous sens les quelque quatre-vingt-treize hectares du domaine !

Reprenons les termes de Louis XIV dans cette « Manière de montrer les jardins de Versailles » qu'il avait lui-même définie : « On descendra à l'Apollon où l'on fera une pause pour considérer les figures, les vases de l'Allée Royale, Latone et le château, on verra aussi le Canal »

Je vous convie donc à cette extrémité Ouest de l'Allée Royale, à proximité du Bassin d'Apollon.

Les bâtiments que vous apercevez du côté nord, sont la survivance des logements et ateliers, construits sous le règne de Louis XIV par l'architecte Antoine Bergeron, (certains ont aujourd'hui disparu) et constituaient un véritable chantier naval sous le nom de « Petite Venise». Ce nom n'a pas changé depuis...

Si le temps est clément, vous ne vous étonnerez pas de voir évoluer sur le Grand Canal, de nombreuses barques louées et manœuvrées  par quelques navigateurs occasionnels, des amoureux transis, des rêveurs patentés, des Surcouf du dimanche…Pesant sur les avirons, sentent-ils ici le poids de l'Histoire ?

Vous y verrez aussi des sportifs accomplis maniant les avirons sur des skiffs, quatre de couple, deux ou quatre de pointe, avec ou sans barreurs... Le lieu abrite en effet le Cercle Nautique de Versailles.  

Le début du règne de Louis XIV

Le règne personnel de louis XIV commence à la mort de Mazarin en mars 1661.

Le château de Versailles est encore très proche du sobre relais de chasse de Louis XIII, du petit « château de cartes », édifié en 1623 par Nicolas Huau et modifié en 1631 par à son architecte Philibert Le Roy, pour ne «point avoir à coucher sur la paille» lorsque des chasses le conduisaient dans ce vallon. Le corps central du château n'a pas encore reçu, côté jardin, son «enveloppe» imaginée par l'architecte Le Vau.

Dès le début du règne, est envisagé le réaménagement des bâtiments et jardins de Versailles.

Le Duc de Saint Simon peut bien bougonner : « C'est le plus triste et le plus ingrat de tous les lieux, sans vue, sans bois, sans eau, sans terre, parce que tout y est sable mouvant et marécages. »

Mais que pouvait l'avis d'un Saint Simon face au « Grand Dessein » royal, aussi démesuré soit-il ? Le Roi «gouverne par lui-même », s'attribue volontiers le visage de Phoebus Apollon ;  il a tout pouvoir sur les hommes et sur la nature. La personne du Roi n'est pas à taille humaine et ses projets pour Versailles ne le sont pas davantage.

 Un site ingrat

Le choix du site de Versailles, sur un plateau situé à 145 mètres d'altitude offrait certes un point de vue majestueux, mais il n'allait pas de soi quant à la mise en place de jeux d'eau d'envergure. Les rigueurs scientifiques de Le Nôtre permirent de spectaculaires perspectives, en mariant les effets de terrasses;  des rampes et des escaliers furent mis en œuvre au prix de puissants dénivellements et bouleversements considérables de la géographie du lieu dans un temps fort réduit.

Cette ambition royale fut payée d'un prix humain important. En 1685, plus de 35 000 ouvriers travaillent en même temps sur les chantiers de Versailles. On évoque le chiffre moyen de quatre-vingts blessés par an sur l'ensemble du domaine. A titre d'exemple, on sait que la machine de Marly a provoqué une cinquantaine            de blessures par an pour un effectif de mille huit cents ouvriers sur le chantier. Les charpentiers, couvreurs, grutiers, échafaudeurs et maçons ont payé le plus lourd tribut ; les soldats du régiment des Gardes-suisses ne furent pas épargnés par les maladies lorsqu'ils creusèrent le bassin qui prit leur nom, ( la pièce d'eau des Suisses ) en lieu et place de « l'étang puant ». Le tableau daté de 1669, « Construction du château de Versailles » attribué au peintre Adam François van der Meulen restitue fort bien ce que furent les chantiers versaillais pendant de nombreuses années.

Un Roi maritime

A l'égal de ses contemporains le Roi n'a pas pour le monde maritime un enthousiasme affirmé, même si les avis des historiens divergent sur ce point. En revanche, à ses côtés se trouve Jean-Baptiste Colbert, Contrôleur Général des Finances, et Secrétaire d’État de la Marine de 1669 jusqu’à sa mort en 1683. Tout terrien qu'il était, Colbert a mesuré par raisonnement le potentiel de développement et de gloire que notre littoral privilégié pouvait offrir. En moins de dix ans, il crée La Compagnie des Indes (1664), La Compagnie du Nord, celle du Levant et celle du Sénégal (1673).

Colbert tente donc d'amener Louis XIV  à devenir un roi maritime » (1)  à défaut d'être marin…Il réussit ce tour de force à faire venir la mer sous les yeux du Roi et de la cour, certes dans un but d'agrément, une démarche théâtrale et féerique, mais également de représenter la flotte du royaume dans une volonté encyclopédique. 

Dès 1668, les personnes affectées à la création, au fonctionnement, aux réparations de cette flotte versaillaise ainsi qu’à l’encadrement des marins étaient au nombre d’une centaine. Les groupes les plus nombreux étant les ouvriers (25), les rameurs (18), les matelots (17), les gndoliers (13). On peut citer également les calfats, les charpentiers...

Pour faire évoluer des bateaux il faut un plan d'eau. Le Grand Canal fut le lieu d’évocation de la vie maritime du royaume, mais étant indissociable de l’ensemble du système hydraulique versaillais, il nous faut aborder les conditions de sa réalisation et ses différentes fonctions dans le projet global du roi.

Le réseau hydraulique

Le chantier de Versailles est d'abord une complexe problématique hydraulique à résoudre. Il faut mettre en place un gigantesque réseau de canalisations, aqueducs, étangs et pompes, permettant la collecte des eaux environnantes de Versailles et leur acheminement vers des réservoirs situés près du château. Il s'agit donc de maîtriser les retenues d'eau, les débits, les pentes…

A cette fin, Louis XIV mobilise savants et académiciens, ingénieurs civils et militaires disposant de moyens techniques de plus en plus perfectionnés et précis. L’Académie des Sciences se réunit pour la première fois le 22 décembre 1666.

Parmi les scientifiques dont les innovations vont bouleverser la conception du monde, citons notamment Thomas Gobert, qui réalisa le réseau d'adduction des «étangs gravitaires inférieurs» issus de Trappes, d'Arcy et Saclay ; le mathématicien Philippe de La Hire à qui l’on doit un relevé des côtes françaises ; Pierre Perrault, frère de Charles, géologue, hydrologue, géophysicien ;  Jean-Dominique Cassini, astronome et ingénieur qui fut le premier directeur de l'Observatoire et créa la première carte topographique et géométrique du royaume ; l'abbé Jean Picard, astronome, membre de l'Académie des Sciences et auteur d'un traité de nivellement. Son estimation du rayon terrestre (6372 km) force le respect quand on sait que la vraie mesure est de 6378 km à l’Equateur et de 6357 km aux pôles. 

                Extrait du dépliant de l’Association des étangs et rigoles du plateau de Saclay  (ADER)

Alimentation en eau des bosquets

La libération des eaux stockées dans les réservoirs à proximité immédiate du château permet ainsi d'alimenter par système gravitaire, la quinzaine de  bosquets, salles ou théâtres de verdure situés en contrebas jusqu’aux points les plus bas que constituent le Grand Canal à l'ouest et le Bassin de Neptune, au nord.

La pression résulte du différentiel de hauteur d'eau entre le réservoir et les fontaines, de la réduction des diamètres de canalisations et de la précision d'ajutage (c'est la nature de l'embout de sortie qui donne sa forme au jet du bosquet).

Le « contentement des fontaines », s'exprime par la diversité des jets, cascatelles, lances et voiles d'eau sous des formes de plus en plus nombreuses et sophistiquées. Le fonctionnement en circuit fermé avec le retour des eaux vers les réservoirs est assuré par des pompes, mobilisées par des chevaux. Aujourd'hui, concession à la modernité, ces pompes sont électriques. 

Les fontaines sont à la charge d’une somme d'experts regroupés autour du poste clé d'Intendant de   la Conduite et Mouvements des Eaux et Fontaines. Citons la famille Francine qui domina la Surintendance des Bâtiments de 1613 à 1784. (2)

Malgré certaines tentatives ambitieuses… et coûteuses (la machine de Marly, l'aqueduc de Maintenon…) destinées à les augmenter, les quantités d'eau disponibles ne seront jamais à la hauteur des ambitions royales. Les projets de détournement des eaux de la Loire ou de la Juine ont été abandonnés à la suite des travaux de nivellement de l'abbé Picard ; de même, les précisions des mesures de Philippe de La Hire conduisirent à l'abandon du détournement de l'Eure.    

Soulignons toutefois qu'à leur apogée le jeu des fontaines était constitué de 1600 à 2000 jets d'eau (quatre fois plus qu'aujourd'hui) lesquels pouvaient consommer de 6300 à 9000 mètres cubes d'eau à l'heure ! Les écarts de chiffres sont assez différents selon les « sources » consultées...(Quoi de plus normal ? )

Le temps pendant lequel on pouvait profiter des fontaines étant limité, on finit par équiper les fontainiers de sifflets qui leur permettaient de communiquer entre eux et ainsi de coordonner les mises en eau et fermetures des fontaines (à l'aide de leur fameuse clé-lyre ), en fonction du parcours du roi, d'un bosquet                  à l'autre.      


        Les fontaines des bassins d'Apollon et de Latone lors des Grandes eaux nocturnes

       5 juillet 2008  / Ph.B)

Le Grand Canal 

Le creusement du canal est un des premiers chantiers de ce début de règne…Il représente un volume de   500 000 m³ de terre à évacuer. Il se réalise au rythme hallucinant de 75 toises / cubes / jour  ( 1 toise / cube = 8 m³ ) soit 600 m³ / jour. Sa profondeur est constante de six pieds ( près de 1,83 mètre ) et contient environ  442 000 m³ d'eau.

A lui seul il nécessite onze années de travaux réalisés en deux phases distinctes :

* de 1667 à 1670 ; l'axe principal Est / Ouest ( 1670 mètres de long) est alimenté par les eaux de la Bièvre, pompées par des moulins.

* de 1671 à 1677 ;  l'axe transversal ( 1000 mètres de long ) complète l'axe central. Il permet l'accès à la Ménagerie et au Pavillon de la Lanterne au sud ; au Nord, le ru de Gally y prend sa source ; il se prolonge par le bassin du fer à cheval  et par le Trianon.

(Le premier bâtiment de Trianon, baptisé Pavillon de Flore ou Trianon de porcelaine fut construit en 1670, puis remplacé quelque vingt années plus tard par le Trianon de marbre que nous connaissons aujourd'hui.)


Extrait du plan du Petit Parc de Versailles, du château et de ses dépendances (1746)

Les fonctions du Grand Canal

En drainant les terres marécageuses de ce vallon, il contribue à son assainissement : Un réseau de près de 30 kilomètres de drains superficiels, les « Pierrocs », sortes de petits aqueducs enterrés, capturent les eaux de ruissellement et d'infiltration environnantes. Elles se déversent ainsi dans le Grand Canal.

Rôle esthétique et symbolique : Par sa forme en croix, le canal se veut évidement une référence chrétienne. Le reflet sur l'eau est l'image inversée du ciel.

Le nom de Grand Canal est naturellement une référence à la ville mythique de Venise, symbole d'exotisme, de rêve et de fascination. Si l'on eut quelques doutes sur cette référence, les gondoles viendront les dissiper.

Les jardins d'André Le Nôtre, jardinier du roi, permettent au « plus grand roi du monde » d'afficher  sa puissance et sa capacité de dominer la nature.

« Le jardin n'est plus un îlot, refuge au milieu d'un monde hostile. Il est au contraire, par l'aboutissement de        la réflexion menée par Le Nôtre et dans une vision colbertienne, plus économique et politique de l'espace,  le cœur même et le principe générateur d'un nouvel aménagement du territoire. » (3)

En guidant le regard vers l'horizon le Grand Canal en donne toute la mesure. La lumière de ce miroir d'eau joue avec les masses sombres des alignements taillés au cordeau qui le bordent ; elle en amplifie les jeux d'ombre.

 


Vue perspective du bassin d'Apollon et du Grand Canal avec sa flottille, gouache, rehauts d'or, vélin (papier)

vers 1705, Châteaux de Versailles et de Trianon.

 En faisant naviguer des vaisseaux présents sur les côtes françaises, mais aussi venus de pays plus lointains, Louis XIV porte « la Marine sous les yeux de la cour », il élargit l'horizon politique et donne à voir, sur le Grand Canal le reflet de la puissance militaire et commerciale des flottes royales sur les mers et océans. 

Car ce sont bien des bateaux qui, venus du Ponant et du Levant, vont et viennent, tirent des bords, passent du plus près au grand largue, reviennent vent arrière...Certes de taille réduite ils sont toutefois servis par de véritables matelots de métier, des marins pesant sur les avirons, manœuvrant les voiles et faisant tonner des canons qui, pour être miniatures n'en arborent pas moins l'orgueilleuse devise Ultima ratio regum                        (Le dernier argument des rois).

 

 Vue de l'extrémité du Grand Canal, du côté du bassin du fer à cheval et du grand escalier de Trianon.

Gravure d'Aveline (Cabinet des estampes)

Des embarcations d'agrément

Dès l'achèvement de la branche est-ouest du Grand Canal, on pouvait y admirer neuf premières embarcations. Ce sont des bâtiments de taille modeste, construits pour la promenade et facilement manœuvrables à la voile ou la rame. Citons brièvement :

Un brigantin (navire à deux mâts) , bleu, or et argent ;

trois chaloupes verte, jaune et rouge ;

une felouque violette achetée à Naples;

une chaloupe biscayenne tendue de damas rouge ;

une petite chaloupe rouge ; une petite berge réservée à Monsieur, frère du roi et à Madame ;

une galiote (petite galère), armée de 32 petits canons venue de Saint-Germain-en-Laye…

Ces embarcations de plaisance servaient à la cour pour des promenades, au son de musiques d’orchestres également embarqués. Elles continuèrent de sillonner le Grand Canal jusqu’à la fin du règne, en dépit des remontrances de Monsieur Fagon, médecin du Roi, qui redoutait un risque de rhumatismes pour son royal patient.

Cette véritable flottille s'est enrichie tout au long du règne de Louis XIV. D’abord par des gondoles qui vinrent renforcer ce premier état de la flottille.

Puis par une chaloupe biscayenne achevée en 1669, une Yole bleue en 1674, une double chaloupe ou galiote, venue de Rouen en 1679 ; une autre de Dunkerque en 1682. Jusqu'à quatre galiotes et vingt chaloupes présentes sur le site.

Le Grand Vaisseau et la galère furent mis à l'eau en 1685.

Une démarche scientifique

La flottille de Louis XIV n’est pas uniquement constituée de bâtiments de plaisance de type chaloupes, gondoles et canots.

Il ne faut pas voir la réunion de tous ces différents bâtiments sous le seul aspect esthétique, ludique,  ou festif…

Elle mérite d’être appréhendée dans sa dimension scientifique. Elle révèle Versailles « sous un aspect inattendu, celui d'un lieu de travail et non entièrement voué à l'oisiveté ; celui encore d'un espace                                       de responsabilité, conscient des enjeux de la recherche scientifique...» (4)

La Petite Venise est une manufacture de bateaux. Elle est intimement liée à l’histoire de la Marine française. C'est une vitrine de ses ports ; elle manifeste la volonté de «rétablir la gloire et l'honneur du royaume sur mer».  C'est ainsi qu'on pouvait noter la présence de vaisseaux de haut bord (marine de guerre et marchande) avec des frégates, des galères, des brigantins…

Pour compléter cette démarche encyclopédique, on fait venir des bâtiments typiques d’autres régions ou de pays étrangers comme les gondoles et piotes de Venise ou les  yachts d’Angleterre…

Le Grand Canal servit de prétexte à des expérimentations techniques : des inventeurs proposèrent d’y tester leurs machines. On cherchait sur des bâtiments à échelle réduite à modéliser la fabrication des bateaux afin d'en améliorer la fabrication et d'en augmenter les performances et les cadences.

La construction de ces prestigieux bâtiments suivait un processus bien défini : Commandés dans les ports de France, ils étaient pour la plupart acheminés par voie fluviale et en « fagots », c'est à dire en pièces détachées. Des correspondants surveillaient le transport et l’approvisionnement des pièces pour le remontage. (6)

Dans ce siècle où tout était à inventer, la confrontation du savoir-faire des constructeurs, des arsenaux de la marine et des expériences étrangères eut donc pour cadre imprévu le Grand Canal, nouveau laboratoire royal d'hydrodynamique sous le ciel d'Île-de-France.

Un « Modèle » construit à Rochefort

Un premier modèle fut mis en chantier en 1678 sous le contrôle de Colbert : une frégate de quinze pieds de quille construite  en 1680, conçue à Toulon par le Maître Chapelle, sur les idées de Duquesne ;

En octobre 1679, alors qu'il se rendait de Toulon à Brest, Tourville essuya une tempête au large de Belle-Isle. Des quatre vaisseaux qu'il commandait, deux se perdirent corps et biens, un troisième échoua et le quatrième plus chanceux put regagner Brest. La faute d'un tel désastre fut attribuée au mauvais entretien des vaisseaux et Tourville n'en fut pas tenu pour responsable. Il fut chargé par Colbert de « tirer une moralité du prodigieux accident » et d'établir par quoi pouvait pêcher notre construction navale.

Tourville s'installa donc à l'arsenal de Rochefort siégeant au « Conseil des Constructions » de la toute nouvelle école de construction navale  approuvée par le roi.

Il arriva à la conclusion qu'à chaque classe de navire devait correspondre un seul type de bâtiment, sérieusement étudié. C'est ainsi qu'il chargea le Maître napolitain Biagio (Blaise) Pangallo de construire un modèle de vaisseau à deux ponts, à l'échelle du quart, qui serait montré dans tous les arsenaux afin de modéliser sa fabrication. Colbert approuva le projet et vit là le moyen de susciter l'intérêt du Roi.

Démontée puis ramenée « en fagots » pour être remontée à Versailles cette petite frégate de 25 tonneaux avait trente pieds de quille, soit une longueur de tête en tête de trente-six pieds (11,70 m).

En février 1681, le Mercure Galant évoquait ces travaux :  « Il y a des charpentiers à Versailles qui travaillent à bâtir une frégate d'un nouveau dessein, approchant de la frégate anglaise sur laquelle on prétend avoir raffiné, tant pour la mâture que pour l'assiette qui seront d'une manière à bien faire porter les voiles et la rendre légère quoique chargée de beaucoup d'artillerie...» Elle devait en effet recevoir 60 pièces de canons.

« Si par l'exécution de ce dessein on voit réussir ce qu'on s'en promet, on bâtira à l'avenir toutes les autres frégates sur ce modèle. »  C'est ainsi que Rochefort avait donné le ton pour la construction des frégates du royaume. 

Ce modèle ne naviguait pas sur le Grand Canal ; il constituait un élément fixe du décor. (5)

Un Heu

C'est un caboteur à fond plat de 14 à 15 mètres de long, à usage marchand d'origine hollandaise, suffisamment marin pour traverser la Manche, ventru, caractéristique par sa proue et à sa poupe arrondies, son mât unique, sa voile à livarde et sa chambre située au milieu du pont.

Le roi d'Angleterre, Charles II, grand amateur de marine les adopta. Il en fit améliorer la carène et remplaça la voile à livarde par une voile à corne. Ils prirent alors le nom de Yack. Colbert en fit venir deux en 1675. Après quelques aventures ils arrivèrent au Havre, joignirent Rouen et remontèrent la Seine jusqu'à Port Marly, puis ils furent halés « à la cordelle ». Les constructeurs anglais avaient tout prévu, des berceaux montés sur roues et des palans aidèrent au charroyage et ils purent atteindre le Grand Canal de Versailles...après qu'on eut pratiqué une brèche dans le mur d'enceinte du parc !

Monsieur de Vauvré, Intendant du port du Havre pouvait écrire à Colbert :  « J'oubliais de vous dire qu'ils naviguent admirablement bien, sont très bons à la voile et ne tirent que trois pieds d'eau ».

 

Dessin anonyme montrant un heu

 Les Gondoles 

Parmi les embarcations de plaisance les plus prisées de la cour, figuraient les gondoles. La flottille en comptait quatorze, certaines d’apparat et d’autres appelées « gondoles de suite », noires et uniformes, comme les gondoles traditionnelles de Venise.

En septembre 1671, lors d'une visite des jardins de Versailles, l'Ambassadeur de la République Sérénissime de Venise proposa à son hôte d'envoyer deux gondoles et leurs gondoliers ce qui fut réalisé durant l’hiver 1674.


 Certaines furent construites au chantier naval de la Petite Venise comme, en 1678, la Grande Gondole décorée par Philippe Caffieri. »  (7)

Les gondoliers étaient logés sur place. On cherche même à faire venir des charpentiers vénitiens, comme le prouve une lettre de Monsieur de Louvois à l’ambassadeur de France à Venise, lui demandant en 1684 « s’il n’y auroit point à Venise quelque jeune home entendu à ces sortes d’ouvrages qui voulust faire un voyage icy à prix raisonable ».

Les gondoliers qui menaient le roi sur l’eau étaient bien payés mais aussi très élégamment vêtus : ils étaient l’orgueil de Versailles, on fit donc grand frais pour cet équipage : du damas et du taffetas, des boutons au galon d’or, des paires de bas de soie cramoisie, du brocard or et cramoisi pour les vestes, des tissus pour les drapeaux et fanions qui décoraient les bateaux, brocatelles, satins de Bruges, velours de Gênes, de Florence, de Milan, taffetas brodés et frangés d'or…

 La Grande Galère

Il s'agit d'une galère réale, c'est à dire réservée au Roi. Pièce maîtresse de la flottille de Versailles, ramenée en « fagot » après sa fabrication en 1685 à Marseille par le maître charpentier Jean Baptiste Chabert. De près de 60 pieds de long (19,50 m), la mâture est constituée d'un arbre de mestre de 15,60 m de haut ; le trinquet est de 14 mètres.

La chambre de poupe ou carrosse est de 4,40 m de profondeur et sa hauteur au centre est près de 2 mètres. «Le roi pouvait monter sur sa galère sans ôter son chapeau !»

La galère est équipée de 13 rames de 8 mètres de long par bande, chacune étant servie par deux rameurs, soit un total de cinquante-deux rameurs, effectif constitué par des hommes provenant de diverses galères de la flotte du Levant, tous rémunérés, majoritairement des soldats de régiments de Marine.

On rame à 3 bancs simples de proue et 9 bancs doubles. Les «apostis» sont les rameurs situés le long du bord ; les « vogue-avants » désignent les rameurs situés à la tête de la rame, sur le même banc.

 


La galère réale ; détail des décorations latérales

Elle est équipée en outre de petits canons de proue, vraisemblablement trois. Somptueusement décorée par Jean baptiste Tuby et Caffiéri, la coque était peinte en bleu outremer, couleur obtenue à partir de lapis-lazuli réduit en poudre, semée de lis d'or, bouquets, coquilles, et divinités marines. L'intérieur couvert d'une teinte rouge cramoisi. Des étoffes précieuses de damas rouge la couvraient, notamment au-dessus du carrosse, brodées de fils d'or.

Elle présentait le long du carrosse et à sa poupe les allégories sculptées et dorées à l'or fin, la Justice et la Foi et, probablement, la Grandeur. Sur le couronnement de la poupe, la Magnanimité surmontée d'une Renommée.

Deux gouaches conservées à la Bibliothèque nationale de France la représentent partiellement. Les deux panneaux décoratifs latéraux du carrosse subsistent au Musée de la Marine, l'un développant le thème du Roi entouré des Arts, des Sciences et des Lettres, l'autre du Roi recevant en tribut les richesses des quatre continents connus alors.

 La fin des « fastes du Canal »

 A partir de 1688, l’état des équipements commença de se dégrader. Les fastes du Canal déclinèrent dans leur nombre et leur importance. La France, malgré sa puissance et ses atouts s’était « laissé engluer dans des conflits terrestres sans fin qui ont fini par venir à bout de ses finances et d’une aspiration toute nouvelle à s’ouvrir vers le grand large. » (8)

La bataille de Barfleur et celle de La Hougue sonnèrent le déclin de notre marine. Le « Soleil Royal » qui prit feu lors de la première bataille, éclairait symboliquement le Grand Canal d’un destin similaire.

A la mort du roi en 1715, le Régent confirma la tendance par un train général d’économies et fit congédier les matelots. Le service pouvant se réactiver pour des événements exceptionnels. On conserva les gondoles et les chaloupes, plus faciles d’entretien et moins coûteuses jusqu’à la Révolution.

 


 Extrait du tableau du peintre néerlandais Adriaen van Diest,  représentant la destruction du « Soleil                               Royal » lors de la bataille de La Hougue.

 

 

Conclusion

 Ici se termine cette évocation de la flottille qui évoluait sur le Grand Canal du temps de Louis XIV.

Comme je l’ai indiqué en introduction de ce texte, les rameurs contemporains du Grand Canal sont les héritiers des marins de cette époque lointaine. En aviron ou sur des barques de location, formant des équipages, organisant fêtes et joutes nautiques, ils perpétuent les navigations sur ce plan d’eau d’exception.

 Je veux dédier ce texte à la mémoire de Claude Arnoult qui fut Président et Président d’Honneur du Cercle Nautique et à son fils Eric, plus connu sous le nom d’Erik Orsenna, membre fondateur de l'Association Hermione-La Fayette, qui accompagne L’Hermione depuis les premières heures. Qu’il me soit permis de lui exprimer, toute déférence gardée, ma profonde reconnaissance et mes plus fraternelles pensées.

Je lui cède ici la place :

« Aujourd'hui, l'eau ne dit plus rien du siècle disparu. Quelques barques louées tournent en rond, comme partout ailleurs, bords de Marne ou Bois de Boulogne. Seuls glissent à vive allure les longs bateaux du Cercle d'aviron, des huit, des quatre, un double-scull. Ils sont si bas, les rameurs, qu'on les dirait assis sur la surface. Certains jours d'automne, ils s'évanouissent dans le brouillard. (…) Peut-être après seize cents mètres de canal, ont-ils assez d'élan pour remonter le temps ? Cette hypothèse optimiste m'aide à mieux comprendre leurs efforts désespérés.

Vingt-trois hectares aussi du ciel d'Île-de France, puisque le canal sert d'abord à refléter. (…) Le canal réfléchit les nuages, la lumière, tout ce qui passe plus ou moins vite selon les vents, le pur éphémère. Grâce au canal du parc, le ciel et ses caprices deviennent, n'en déplaise à Louis, les premiers personnages de l'histoire. Et j'aime à me dire que ce qui n'a pas changé de Versailles depuis trois siècles, c'est, grâce au ciel,                                        le changement. » (9)

Philippe Benoit

 Remerciements :

Merci à Jean Flahaut de m’avoir procuré deux numéros de la revue Neptunia, particulièrement pertinents.

Merci aux bonnes âmes qui ont bien voulu lire, relire et corriger cet article.

 Sources :

1 ) Georges G. Toudouze, « Versailles, Port de Mer », Neptunia (Revue des Amis du Musée National de la Marine)  N° 43, 3e Trimestre 1956.

2 ) Frédéric Tiberghien, Membre du Conseil d’État, « Les acteurs du chantier ». Les Cahiers de Sciences et Vie, numéro Hors-série consacré à l'exposition « Sciences & curiosités à la cour de Versailles » du 26 octobre 2010 au 27 février 2011.    

3 )   Pierre André Lablaude, « Les jardins de Versailles »,  Architecte en chef des Monuments historiques, ouvrage 207 p. ISBN 2 86656 173 2, mars 1998.

4 ) Béatrix Saule, Directeur général de l'Etablissement public du musée et du domaine national de Versailles, Catalogue de l'exposition « Sciences et curiosités à la cour de Versailles » du 26 octobre 2010 au 27 février 2011. (Commissaires de l'exposition : Béatrix Saule et Catherine Arminjon.)

5 ) José-Paul Verne, « La flottille qui évoluait sur le Grand Canal du Château de Versailles»,  Neptunia N° 190, juin 1993.

6 ) Amélie Halna du Fretay, ancienne élève de l’École du Louvre où elle a effectué son mémoire de Master I (2007-2008) sous le titre « La Petite Venise à l’époque de Louis XIV » ; Master II Recherche en histoire de l’art appliquée aux collections, sous la direction de Raphaël Masson et en partenariat avec le Centre de recherche du château de Versailles :

« La flottille du Grand Canal de Versailles à l’époque de Louis XIV : diversité, technicité et prestige » Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles, mis en ligne le 20 septembre 2010. 

7 ) Soline Anthore, « Un air de Venise à Versailles »  historienne de l’Art Revue « Versailles »  N° 10 juillet-sept 2013.

8 ) Rémi Monaque, « Une histoire de la marine de guerre française » (éditions Perrin) 527 pages.

9 ) Erik Orsenna, « Portrait d’un homme heureux – André Le Nôtre 1613-1700 » (Fayard) 162 pages.

 

On se référera utilement à :

Jean-Paul Alaux, La flottille de Louis XIV sur le Grand Canal à Versailles.

Jean Boudriot, Le vaisseau de 74 canons : traité de pratique d’art naval.

Du même auteur, La frégate Marine de France 1650-1850 ; Le vaisseau trois ponts du Chevalier de Tourville.

Alain Demerliac, La marine de Louis XIV : nomenclature des vaisseaux du Roi-Soleil de 1661  à 1715.