Lundi 11 avril, à 20h 30 Salle polyvalente de La Tour Blanche, conférence de G Duverneuil :

Pierre-Louis Boutin, enfant de La Tour Blanche, 1673-1742, Missionnaire Jésuite à Saint-Domingue. L’église et l’esclavage.


Fils d’une famille bourgeoise de La Tour Blanche, Pierre Louis Boutin va suivre des études dans des collèges tenus par les Jésuites, puis entrer lui-même dans la Compagnie de Jésus. Après avoir enseigné dans le collège de Poitiers, il part en 1705 comme missionnaire à Saint Domingue où il décèdera en 1742 après avoir accompli une œuvre importante dont les traces demeurent encore dans la partie de l’ile qui s’appelle désormais Haïti.
Alors que se met en place la société esclavagiste à Saint-Domingue, désormais colonie française, il va œuvrer efficacement à catéchiser les esclaves noirs, il se heurtera à la fin de sa vie aux gros planteurs de l’ile qui considèreront qu’il outrepassait ce que l’on attendait de lui comme missionnaire.
Sa démarche fut très représentative des méthodes des jésuites pour convertir les populations d’esclaves, de leur empathie à leur égard, mais aussi de leur ambiguïté concernant la question de l’esclavage. Les autorités esclavagistes mettront fin à cette ambiguïté en les expulsant de Saint-Domingue.
Cet homme d’une foi à toute épreuve et doté d’une énergie peu commune, accomplira un travail remarquable qui fut salué par ses contemporains, amis ou adversaires. Bâtisseur, éducateur, missionnaire, astronome à ses heures, Il sera, entre autre, l’auteur du premier texte en langue créole de l’Histoire.
A partir de ses recherches aux archives départementales, aux archives des jésuites à Vanves et la consultation de documents de cette époque, le conférencier présentera quelques documents inédits.
C’est donc une histoire renouvelée de ce personnage et une analyse de l’attitude de l’église au sujet de l’esclavage qui vous sera présentée ce Lundi 11 avril. 




Carte St Domingue

Colomb Nouveau Monde




 CR de la conférence du 21 03 2016

L’histoire de la cartographie
Ou comment, nous avons peu à peu perçu notre monde


Cette passionnante histoire nous a été présentée le 21 mars 2016 par Alain Reilles* dans le cadre du Club Histoire de La Tour Blanche devant environ 80 personnes.
Des premières plaquettes d’argile de Mésopotamie à la naissance de la cartographie moderne au 18ème siècle, en passant par le génie scientifique de la Grèce antique, l’approche utilitaire des Romains, et le dogmatisme du haut moyen-âge chrétien, il nous a fait comprendre comment nous nous sommes peu à peu appropriés notre monde.

Les 1ères cartes 2500 ans avant notre ère
Les babyloniens furent vraisemblablement les premiers à fabriquer des cartes : découverte en 1930 d’une carte datant de 2500 ans avant JC, représentant la vallée de l’Euphrate. Les Chinois auraient réalisé des cartes 2000 ans avant JC. Dans l’Egypte antique, des relevés cadastraux sont effectués 1500 ans avant JC pour retrouver les parcelles suite aux inondations du Nil. A l’époque, l’homme cherche à représenter le monde proche qui l’entoure.

Les avancées remarquables de la Grèce antique
Au 4ème siècle avant JC, Aristote pressent la sphéricité de la terre en notant la forme incurvée de l’ombre qu’elle projette sur la Lune. Un siècle plus tard, Eratosthène utilise la géométrie pour calculer avec une remarquable précision la circonférence de la terre. Il mesure l’angle du soleil par rapport au zénith au moment du solstice d’été à Alexandrie. Il en déduit le rayon de la terre (6 400 km) et donc sa circonférence. Il en déduit également l’inclinaison de son axe nord-sud de rotation (23°). A partir de là, et des observations et mesures réalisées par d’autres Grecs (Pythéas de Marseille notamment), il établit une première carte du monde connu comportant des coordonnées de latitude et de longitude, à partir d’axes orthogonaux ayant pour origine Rhodes. Sa carte sépare le Nord et le Sud par le parallèle de Rhodes. Il y ajoute 7 autres parallèles déterminés grâce à la hauteur du soleil à midi. Il y positionne aussi des méridiens perpendiculaires aux parallèles. Son méridien origine passe par Rhodes, Alexandrie et Syène (Assouan aujourd’hui). Le summum de la cartographie grecque est dû à Ptolémée. Il calcula la latitude et la longitude de 8 000 points sur la terre, ces coordonnées étant tirées d’itinéraires de voyage. Il détermina en outre astronomiquement, 350 points de références et utilisa la projection d’un hémisphère sur un cône. Ces points lui permirent d’élaborer une grande carte du monde qui sera à la base de tous les travaux cartographiques qui suivront.

La cartographie très utilitaire des Romains
Après les Grecs, les Romains ont une vision différente de la cartographie. Les cartes romaines décrivent des itinéraires. La carte de Peutinger (chancelier d’Augsbourg qui révéla cette carte au XVème siècle) est un parchemin de 6,84 m x 0,38 m. Réalisé en 250 après JC, ce serait une copie de la carte du monde peinte sur le portique d’Agrippa à Rome, vers 12 après JC. Le but du cartographe romain était de fournir au voyageur une carte routière qui indiquait les distances exactes entre les villes. Très étirée, elle n’a pas vocation à représenter les éléments physiques dans leurs bonnes proportions, mais de renseigner sur le système routier de l’Empire Romain.


*ancien professeur de mécanique, président de l’Association Périgourdine d’Action Culturelle



L’approche dogmatique du Haut Moyen-Age Chrétien
La Chrétienté naissante met fin aux avancées de la Grèce antique pour imposer sa propre vision du monde. La carte TO, caricaturale, fut le schéma immuable du monde habité (Œcoumène) qu’avaient adopté les théologiens du moyen-âge. Plus qu’une représentation utilitaire, elle était une expression de la foi chrétienne. La carte est schématisée par un T à l'intérieur d'un O selon les mots latins : Orbis Terrarum, disque de la terre. La lettre O représente l'océan qui entoure la Terre plate. Sur cette carte, le nord (Septentrion) était à gauche, l'est (Oriens) en haut avec le Paradis (d'où l'expression «orienter" une carte), le sud (Méridien) à droite et l'ouest (Occidens) en bas. On y distinguait les trois continents (Europe, Asie et Afrique) séparés par des mers formant un "T" avec au centre la sainte ville de Jérusalem. L'Église rejettera systématiquement les bases scientifiques érigées par les Grecs, elle combattra l’idée d’un monde héliocentrique (il était dérangeant que le terrien homme ne soit pas dans une planète au centre de l'univers)
Le tournant des grandes découvertes
La vision très restrictive de la Chrétienté naissante va évoluer avec les grands explorateurs et le développement du commerce. Du 7ème au 9ème siècle, les Arabes commercent beaucoup. Ils récupèrent les connaissances des grecs, les rapprochent de leurs propres observations et façonnent leur vision de la cartographie. Al-Idrisi né au Maroc en 1100 entreprend un important travail de compilation à la demande du roi de Sicile. Au milieu du XIIème siècle, il réalise un planisphère géant avec le sud en haut, ainsi qu'un atlas comprenant 70 cartes du monde connu, de l'Europe à l'Afrique et à la Chine. A partir du 13ème siècle, Marco Polo et Ibn Battula repoussent les limites du monde connu ; les échanges maritimes se développent et génèrent le besoin de faire des cartes pratiques et réalistes. Gènes, Venise, Palma, Barcelone réalisent des portulans, c’est-à-dire des cartes marines ; elles intègrent la boussole arrivée en Occident en 1302. En 1375, l’atlas catalan marque un nouveau progrès de la cartographie. A partir du 15ème siècle, la prise de Constantinople par les Turcs rend de plus en plus difficile le commerce occidental (notamment celui des épices) vers les Indes. Le roi portugais Henri le navigateur entreprend donc d’atteindre l’extrême orient en contournant l’Afrique. Cela nécessite de représenter les voies maritimes sur des cartes. En 1492, Martin Behaïn, formé à l’école portugaise, construit à Nuremberg l’un des premiers globes terrestre. Ce globe montre la face inconnue du monde (l’envers de l’œkoumène), mais l’Amérique n’y figure pas. Le Génois Christophe Colomb utilise ce globe pour convaincre le roi d’Espagne de joindre les Indes en traversant l’atlantique. Cela le conduira à découvrir l’Amérique et à faire franchir une nouvelle étape à la cartographie. A la fin du 16ème siècle, l’Allemand Merkator puis les Hollandais Hondius et Ortélius mettent au point des systèmes de projection permettant de réaliser des cartes de plus en plus précises.

La naissance de la cartographie moderne, notamment en France
En 1680, le Cardinal d’Estrée, ambassadeur de Louis XIV à la cour de Rome, demande au Vénitien Coronelli de réaliser deux globes, l’un terrestre, l’autre céleste, pour les offrir au Roi. D’un diamètre de 4 m, ils sont visibles à la BNF. De 1668 à 1815, les Cassini sont à l’origine d’avancées remarquables en matière de cartographie. En 1718, grâce aux progrès de l’instrumentation, ils mesurent par triangulation le méridien de Paris. Ils réalisent également par triangulation la première carte du Royaume de France dans son ensemble. L’Abbé Picard, puis Delambre et Méchain (1791), définissent le mètre par rapport au méridien Dunkerque / Barcelonne. La Condamine et Maupertuis mesureront l’aplatissement des pôles. Localement, Pierre de Beleyme (1747-1819) cartographiera le sud-ouest français en représentant le relief. Plus tard, le géographe et anarchiste Elisée Reclus (1830-1905) éditera sa géographie en 19 volumes, en abordant les aspects humains et écologiques. Elle est conservée à Périgueux.
La mesure de la longitude devient précise en 1736, grâce à l’horloge de John Harrison qui varie de moins d’une seconde par jour et permet de comparer l’heure solaire du navire à l’heure de départ. Dès lors, le contour des continents pourra être défini avec une précision de l’ordre du km.

A la fin du 19ème siècle et au 20ème siècle, le ballon puis l’avion et les satellites ouvriront de nouvelles perspectives à la cartographie.
Bruno Déroulède


Images de la soirée.