Les
clochers dans nos paysages
Que
serait la France sans ses clochers ? En 1981, un futur président ne s’y
était pas trompé. Le clocher de son affiche électorale représentait la
tradition rurale, profonde et historique de la France. Il fut élu. Que racontent
les clochers dans nos paysages ? Le 20 mars, lors d’une nouvelle
conférence très suivie (environ 100 participants) du Club Histoire de La Tour Blanche, Alain de La Ville
s’est attaché à répondre à cette question.
De nombreuses églises
romanes n’avaient pas de clocher comme celle de St Privat-des-Prés ou celle de
Bourg des Maisons. Les premiers clochers furent édifiés en Italie dès le haut
moyen âge sous forme de campanile. Ces
tours ou constructions portant des cloches étaient indépendantes du bâtiment de
l’église. C’est le cas du clocher de Brantôme voire de celui de Saint Front.
Certains clochers ont été construits uniquement pour porter des cloches :
les clochers-murs des Cévennes par exemple. A partir du XIème siècle, le
campanile est supplanté par le clocher qui s’établit sans rival hors d’Italie.
Pointés vers le Ciel, les clochers sont au moyen-âge l’expression du divin,
mais aussi l’affirmation de la présence spirituelle et temporelle du Clergé sur
son territoire. Dans certains cas, ils peuvent signifier la puissance. Lieux de
rassemblement de la communauté chrétienne, ils rythment tout autant la vie
religieuse que la vie quotidienne. Au 19ème siècle, l’évolution des
techniques permit de construire à un coût abordable des flèches perçant les
nuages pour atteindre les cieux. Ce fut le cas pour l’église de Verteillac.
Le premier rôle des
cloches et par extension des clochers, est d’appeler les fidèles à la prière,
en particulier au moment de l’Angélus qui dans de nombreux villages comme à
Cherval, est encore sonné trois fois par jour (7h, 12h, 19h). Le rôle des
cloches va au-delà. Le tocsin alerte la population d’un danger imminent, le glas
signale l’agonie, la mort ou des obsèques, les volées annoncent un évènement
heureux.
Au moyen-âge, les
clochers sont aussi des tours de guet. Ils servent de refuge et de défense pour
les communautés villageoises qui n’ont pas de château. On en a une bonne
illustration avec les églises de St Martial de Viveyrol, Paussac, Bouteilles
San Sébastien, Lusignac, St Germain du Salembre, Grand Brassac, Vieux Mareuil,
Cercles, ou encore Cherval. Les clochers de certaines de ces églises ont des
mâchicoulis créant un surplomb facilitant la protection des portes.
Les clochers vont peu à peu
à peu quadriller le territoire et constituer des repères géographiques. Ils
permettent en outre de s’orienter, le support fixe de la girouette indiquant
comme à Cherval les quatre points cardinaux. Avec la sonnerie des cloches et la
présence des horloges, ils rythment le temps.
De nombreux clochers
subirent la tourmente révolutionnaire. Ils furent restaurés à partir du
Concordat de 1801, début de l’époque des curés bâtisseurs.
Chaque clocher a sa voix.
La fabrication des cloches en airain (80% de cuivre + 20% d’étain) obéit à des
règles de géométrie qui se sont perfectionnées dans le temps. Composée de
différentes parties (joug, anses, cerveau, épaule, robe, panse, pince, lèvre
inférieure, battant, faussure), chaque cloche doit émettre la sonnerie la plus
belle possible, à l’image de celle de Verteillac qui vient d’être restaurée.
L’installation d’une cloche suit par ailleurs des rites avec un parrain et une
marraine.
Les clochers sont en
définitive les marqueurs de nos paysages, et notamment de nos paysages ruraux.
Ils suggèrent souvent des sentiments de paix et d’éternité comme celui de
Magnac Lavalette. Dans des paysages qui évoluent, ils rappellent la continuité
du temps. A une époque où l’on a tendance à délaisser les campagnes, ils
pourraient être aussi des fédérateurs d’énergie pour reconquérir et revitaliser
nos territoires.
Bruno Déroulède
Mars 2017
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