A la
découverte du patrimoine historique du Chapdeuil
Samedi 14 septembre 2013
Circuit effectué par les promeneurs
Place du Marché
Nous avons commencé le circuit sur
l’ancienne place du marché au pied de la croix1
L’existence de ce marché est
attestée en 1594 par l’enquête effectuée par le sénéchal De
Gravier à la suite de la demande de la création d’un marché à
Léguillac-de-Cercles. Cette enquête cite les marchés de La Tour
Blanche Chapdeuil, Champagne, Fontaine, Ribérac, La Rochebeaucourt
et Brantôme. Quatre foires s’y déroulaient chaque année, au
« Jeudi gras », le 11 Juin (St Barnabé), le 4 Octobre et
le 6 décembre réservé au « louage des domestiques ».
Aux origines du Chapdeuil
Ce marché est certainement très
antérieur au règne d’Henri IV car Le Chapdeuil est situé au bord
de la voie gallo-romaine Périgueux-Saintes (Vesuna-Mediolatum). Le
peuplement depuis l’époque gallo-romaine est attesté par la
découverte de vestiges aux abords du hameau de Fougères en 1891
lors de la réalisation de la nouvelle route rejoignant St Just.
Notons que cette voie est jalonnée de « villas gallo-romaines,
celles de Villeneuve (Cherval) et de la fontaine de la ville (Goûts)
étant les plus proches, de même que Chapdeuil est proche du
croisement de cette voie gallo-romaine avec celle plus ancienne
encore qui reliait Bourges à Bordeaux. Un peuplement Franc pourrait
également avoir donné son nom au hameau de Francoiseau.
Le nom du Chapdeuil apparaît pour la
première fois sous la forme de « Capdolium » en 1143
dans une donation de l’église du Chapdeuil à l’abbaye de
Saint-Cybard alors qu’elle dépendait jusque-là de l’abbaye de
Trémolat.
Le Périgord est christianisé à
partir du VIe siècle. La délimitation des paroisses et de l’évêché
de Périgueux se feront relativement rapidement introduisant une
certaine stabilité territoriale. Le développement du mouvement
monastique va introduire de nouvelles influences extérieures au
Périgord comme celle de l’abbaye de Saint-Cybard d’Angoulême,
qui deviendra prépondérante dans ces territoires proches de
l’Angoumois. Au milieu du XIIe siècle, en 1142 puis en 1143,
l’évêque de Périgueux va confirmer la possession par l’abbaye
de Saint-Cybard d’Angoulême de l’église de Cercles, la chapelle
de La Tour Blanche, l’église du Chapdeuil, et celles de La
Chapelle-Montabourlet et de Bourg des Maisons.
A la période féodale ces territoires
cités vont être un enjeu entre les évêques et comtes d’Angoulême,
le vicomte de Limoges et le comte du Périgord. Mais alors que La
Tour-Blanche, La Chapelle-Montabourlet et Cercles vont constituer le
noyau d’une enclave angoumoise dans le Périgord, Le Chapdeuil
restera en Périgord.
Aux Xe et XIe siècles, profitant de la
faiblesse des pouvoirs comtaux aussi bien en Angoumois qu’en
Périgord, une multitude de petits seigneurs édifient des
forteresses sur des élévations naturelles ou sur des mottes
artificielles. Les liens vassaliques créés conduisent à la
formation des premières châtellenies. Le contrôle des voies de
communications, peu nombreuses, est essentiel tant du point de vue
militaire qu’économique. La voie Périgueux vers Angoulême et
Saintes sera source de revenus pour les seigneurs du Chapdeuil comme
pour ceux de La Tour Blanche.
C’est au XIIe siècle que l’on
situe la construction du premier « château » sur l’ilot
que nous allons visiter à la fin du parcours.
Mais cette construction a certainement
été précédée par la réalisation des douves utilisant un méandre
de l’Euche pour constituer l’ilot qui sera fortifié et
abritera sans doute les premiers bâtiments du village médiéval.
La superficie de l’ilot (4000 m2), le reste de murailles entourant
l’ilot, le dallage de certaines parties des douves conduisent à le
penser. De plus les propriétaires ont pu observer, à la fin de
l’été après une coupe de luzerne, « le dessin d’une
ligne de rempart flanquée de deux tour carrées ».
Les deux plus anciens parchemins
faisant état des vassaux des seigneurs de La Tour dont dépend le
Chapdeuil sont du XIIe et du XIIIe siècle.
Dans celui du XIIe2,
Chapdeuil est nommé « Capdolio » et les vassaux cités
sur le territoire du Chapdeuil sont « Geraldi de Capdolio »,
« Chailac de Capdolio », « Guillaume Itier de
Capdolio », « Arvei (Hervé) de Capdolio ».
Celui du XIIIe (1249), est le
testament d’Itier de la Tour avant de partir en croisade en Egypte
aux côtés de Louis IX (Saint Louis). « Chapdol » est
l’une des trois châtellenies contrôlées par le seigneur de La
Tour Blanche : Grésignac, Chapdeuil et La Tour Blanche. Sont
cités comme vassaux au Chapdeuil « Helias Raymond, Hélias
Milo et Girauz Iter ».
Le hameau de Fougères
Le balet ou « balaï »
périgourdin, est élément architectural très présent dans notre
secteur, il se décline ici avec une élégante colonne atypique,
remplaçant peut être à une époque plus récente une colonne plus
classique. Un four occupe le fond de cet espace.
Fougères possède également une
maison ancienne qui fût peut-être un établissement religieux qui
comporte une croix en ronde bosse sur le pignon sud, retaillée à
une époque plus récente3.
Le passage dans ce hameau, qui fût le
plus important du Chapdeuil, est l’occasion d’évoquer le village
à la fin du XVIIIe siècle et au XIXe siècle.
Un instituteur du Chapdeuil, Mr Durand,
a dressé il y a quelques années la liste des métiers exercés en
1793 d’après l’étude des registres de l’état civil. Le
résultat est étonnant car il montre que l’activité économique
était intense. La plupart des habitants sont des « laboureurs »
mais on trouve trois maréchaux-ferrants portant le nom de
Lapouze dans le hameau de Lapouze! Deux menuisiers, un meunier,
deux tailleurs d’habit, un officier de santé4,
un praticien5,
un procureur, un marguiller6,
une sage-femme, un aubergiste, un négociant, un galocher7,
deux sargeurs8,
un tisserand et deux mystérieux « précheteurs ». Mr
Durand a également étudié le peuplement du Chapdeuil en 1846
c’est-à-dire à l’époque du pic de population en Dordogne
(505.000 h en 1846, 420.000 actuellement). Le Chapdeuil comptait
alors 323 h, le hameau des Fougères était le plus peuplé :
80h, venaient ensuite le Bourg : 64h, La Pouze : 52h,
Francoiseau : 47h puis Les Granges : 33h.
La fusion/séparation du Chapdeuil et de Saint-Just
Le XIXe siècle fut empoisonné par
l’interminable querelle qui surgit à l’occasion du regroupement
des communes du Chapdeuil et de Saint-Just.
En 1792 au moment de la création des
communes et des départements deux communes distinctes sont créés,
Chapdeuil et Saint-Just. En 1823 une décision funeste est prise !
Le préfet ordonne la fusion des deux communes malgré l’opposition
des deux conseils. Dans un premier temps Chapdeuil s’y rallie mais
Saint Just s’y oppose farouchement et récuse Mr De Jovelle nommé
comme enquêteur.
En 1827 La fusion est décidée par le
roi. De 1830 à 1831 Saint-Just fait de la résistance et accuse le
maire issu du Chapdeuil « d’anomalies de gestion ». En
1836 l’ensemble du conseil demande à l’unanimité la séparation.
De 1839 à 1870 enquêtes et contre-enquêtes se succèdent, ainsi
que pétitions et démissions. La guerre de 1870 interrompt la
guéguerre, mais dès 1872 l’affaire repart de plus belle avec une
troisième enquête préfectorale et révocation de différents
maires. En 1885 nouvelle enquête et enfin, en 1887, décision de
séparation est prise.
L’affaire aura duré 64 ans, fait
l’objet de 67 délibérations des diverses instances et de quatre
enquêtes. Difficile de trouver d’autres exemples d’une telle
ténacité dans l’hostilité. Heureusement le temps a effacé les
vieilles querelles!
Nous poursuivons la promenade dans les
bois vers les Granges où nous sommes accueillis par Mme et Mr De
Tessieres.
Les Granges
Dans ce hameau on trouve cette très belle ferme du XVIIe siècle avec balet, magnifiquement restaurée. Ce qui frappe c’est l’élégance des deux colonnes avec leurs chapiteaux ouvragés et la présence d’une bouche à feu sur la droite du balet. Dans un autre bâtiment du hameau d’aspect rustique on découvre deux étonnantes cheminées monumentales, dont il se dit qu’elles pourraient provenir du château du Chapdeuil.
Des Granges nous partons à travers bois vers le hameau de La Pouze.
La commune du Chapdeuil est très
boisée et offre de nombreux chemins de randonnée pédestre. Plus de
la moitié de notre parcourt va se dérouler dans les bois, avec, au
débouché du chemin qui va croiser l’ancienne voie romaine, de
très beaux points de vue sur la vallée de l’Euche.
Après avoir quitté la route qui va
du Chapdeuil à La Tour Blanche et Cercles nous passons à côté de
carrières de pierres qui ont fait un temps la renommée du village.
Il s’agit d’un calcaire très dur qui s’extrait par clivage et
fournit de très belles dalles. C’est dans ce même endroit que,
dans les années 1970, eurent lieu des forages en vue de trouver du
pétrole qui ont fait naître l’espoir d’un développement
économique. Las, la seule ressource demeure la pierre et son
extraction depuis des temps immémoriaux. Célèbre par sa mention
sur les cartes géologiques, l’anticlinal du Chapdeuil est dévoré
d’année en année par l’exploitation de carrières à ciel
ouvert ce qui fournit du travail à quelques familles du secteur
Chapdeuil La Tour Blanche Bourg des Maisons et Cercles.
Au croisement de la voie romaine, avant
d’arriver à Lapouze, nous faisons une halte que je vais mettre à
profit pour évoquer les épisodes les plus douloureux et mouvementés
de l’histoire du Chapdeuil, qui se sont déroulés dans le deuxième
tiers du XVIIe siècle.
Le Chapdeuil au XVIIe siècle :
Ce siècle avait commencé dans la paix
retrouvée après l’édit de Nantes et un redémarrage économique
et démographique sous Henri IV. Cela ne durera pas, mais ce début
du XVIIe restera dans les esprits comme un âge d’or en comparaison
de ce qui surviendra à la fin des années 20.
Famine et Peste
En effet les années 1628-29 voient
ressurgir la famine, immédiatement suivie du retour de la peste en
1630. Elle frappe des hommes femmes et enfants affaiblis qui
succombent par milliers. En 1631 Périgueux a perdu 2000 personnes
sur une population qui ne dépasse pas 10 000 habitants. Les
campagnes comme les villes sont touchées. Nous en avons le
témoignage pour notre secteur dans le récit de la vie d’Alain
Solminihac9
qui, se rendant de Chancelade à l’abbaye de la Couronne, et
arrivant près de La Tour Blanche rencontre un homme d’un des
hameaux du Chapdeuil qui lui dit de ne pas suivre sa route car la
peste est partout. « Il voulut le dissuader de passer en ce
lieu, attendu que l’air même était infesté, à quoi le saint
homme, zélé du salut des âmes, répondit et demanda si ces pauvres
malades avaient confessé leurs péchés, et le gentilhomme
répliquant qu’il n’y avait prestre si hardi qui osât approcher
de ce lieu……..Il courut en toute diligence audit village et
frappant aux portes de tous les pauvres abandonnés, il les exhorta à
se mettre en bon estat pour la confession, ce qu’ils firent, se
confessant tous à lui » Ce récit, bien
qu’hagiographique, nous donne le ton sur ce moment terrible :
la peste est partout !
Révolte des croquants
Cinq ans plus tard à partir de 1635
toute la région s’embrase. A Périgueux c’est la révolte des
tavernes et dans la Saintonge, l’Angoumois, le Périgord et le
Quercy c’est la révolte des croquants. Les paysans n’en peuvent
plus des impositions successives levées pour financer la guerre
contre l’Espagne. En mai 1636 la foire de la Latière se fait
l’écho des révoltes de l’Angoumois tout proche. La levée de
nouvelles « racions10 »
déclenche la révolte en Périgord. Deux sergents collecteurs
d’impôts sont tués à Nantheuil-de-Bourzac. Le 7 mai 1637,
30 000 paysans se rassemblent près de Périgueux et mettent à
leur tête La Mothe Laforet et quelques petits nobles. Leurs chefs
les plus audacieux seront Grellety, Buffarost et Madaillan. Grellety
résistera jusqu’en 1642 dans la forêt de Vergt.
Le 22 janvier 1640, Henri de
Bourdeille, sénéchal et gouverneur pour le roi du Périgord donne
commission à Pierre Grand du Pouzet de Tinteillac de rassembler et
commander 150 soldats « pour courir sur les séditieux
croquants révoltés ». Mais Henri de Bourdeille mourra
avant de mater la révolte qui ne s’éteindra qu’avec l’amnistie
des rebelles décrétée par Richelieu en 1642.
La Fronde
Six ans plus tard la France sera de
nouveau en guerre civile, secouée de 1648 à 1653 par ce que l’on
a appelé la Fronde. Notre région sera particulièrement
touchée par la dernière phase de cette révolte nobiliaire contre
la mise en place de l’absolutisme royal que l’on appellera la
Fronde des Princes. Cet affrontement se déroule pendant la
minorité de Louis XIV, la régence d’Anne d’Autriche, le
gouvernement de Mazarin et en pleine guerre contre l’Espagne.
De 1648 à 1651, a lieu la Fronde des
parlements, qui voit la fuite du roi et de sa mère à
Saint-Germain, la révolte de Paris, puis le ralliement au roi de
quelques frondeurs. A partir de 1651 l’affrontement a lieu entre la
famille royale et Mazarin et les Bourbons (Condé11,
Conti son frère et Longueville son beau-frère). Arrêtés en 1650
puis libérés par Mazarin en 1651, ils feront un retour triomphal à
Paris.
En septembre 1651 débute la fronde
des Princes. Condé est le 22 septembre à Bordeaux qui se
rallie à lui, de même que l’immense majorité de la noblesse de
Guyenne. Il passe un accord avec les Espagnols12:
en échange de 1 500 000 Livres il leur donne un port: Bourg
sur Gironde. Mais si, outre la Guyenne, la Saintonge, l’Aunis, le
Berry, le Limousin et la Provence lui sont acquis, il lui manque le
Périgord. Fin 1651 le Grand Condé vient à Périgueux pour
s’assurer de l’appui des « nobles bourgeois de
Périgueux » et pour rencontrer François Sicaire de
Bourdeille titulaire à ce moment-là de la charge de Sénéchal
du Périgord13
et le gagner à sa cause. Périgueux lui est livré et il installe le
25 Janvier 1652 une garnison de frondeurs avec à sa tête Chanlost.
François Sicaire se rallie à lui et Condé lui laisse 120 000
Livres pour lever 3 régiments de cavalerie : 18 compagnies de
30 cavaliers et un régiment d’infanterie de 20 compagnies de 50
hommes.
François Sicaire charge son trésorier
Emeryc Bariasson seigneur de Ramefort14
de distribuer ces subsides à tous les partisans supposés de la
Fronde dans cette partie du Périgord. Emeryc Bariasson, en bon et
scrupuleux trésorier, établit la liste des bénéficiaires avec en
regard les sommes distribuées. C’est ainsi que nous connaissons la
participation de De Fayolle seigneur du Chapdeuil, de De la Croix
seigneur de Jovelle, du maitre de poste de Cercles, Beauvays et de
bien d’autres, une liste de 70 noms qui se révèlera très
compromettante par la suite. Curieusement figure sur cette liste
Grand du Pouzet seigneur de Tinteillac pourtant fidèle du roi, mais
il se retirera rapidement de l’affaire, abusé semble-t-il par son
amitié pour François Sicaire et ses liens anciens avec les
Bourdeille.
A partir de ce moment les évènements
s’accélèrent : Le 2 février 1652 François Sicaire s’enfuit
de Bourdeilles avec son or, son argent et le reste de ce que lui a
donné Condé. Il vient d’apprendre qu’Henri de Lorraine, comte
d’Harcourt, général des armées du roi en Guyenne fait mouvement
pour investir le Périgord. Effectivement d’Harcourt sera là le 4
Février. En cette occasion, François Sicaire confirmera ce que l’on
disait de lui, «qu’il manquait également de résolution pour
servir ses amis que pour les trahir ». Mais le comique cède
le pas à la tragédie, car les 7000 hommes de d’Harcourt vont
occuper Bourdeilles, Brantôme, La Tour Blanche, Le Chapdeuil,
Fongrenon, Lisle pendant 17 jours et vont y semer la terreur.
F de Bessot dans son livre de raison
écrit ceci : « Ils consomment la
plus grande part des vivres et fourrages et commis quantité d’actes
hostiles en la personne des curés et leurs églises, forcé filles
et femmes même dans les lieux les plus saints qu’ils avaient
convertis en écuries, boucheries et bordels » Puis
d’Harcourt part vers le sud du Périgord laissant des garnisons
dans ces villages. Seul le château de Tinteillac et les propriétés
de Grand du Pouzet seront épargnées sur ordre de d’Harcourt car
le ralliement au roi de Grand du Pouzet était connu.
En Avril 1652 a lieu la
contre-offensive des frondeurs, Conti (frère de Condé) détache 400
hommes pour chasser les garnisons royales de Bourdeilles, La Tour
Blanche et Chapdeuil. Le premier mai il attaque la garnison du
Chapdeuil, voici le récit qu’en fait P de Bessot : « Le
premier mai, ayant appris que le régiment de St Arbre était à
Saint Just au lieudit Le Chapdeuil, les gardes de Mr Le Prince
(Condé), avec la cavalerie de Duras, s’avancèrent pour investir
le lieu où ils étaient. Ce que voyant les ennemis firent quelques
charges et tuèrent 2 à 3 cavaliers de Duras et des gardes mais
sachant que le paréage avançait ils aimèrent mieux se rendre
qu’attendre les paysans du paréage qui étaient d’un nombre de
800. Le nombre des prisonniers fait au Chapdeuil était de 150, on
avait amené un canon de la ville conduit par l’infanterie de la
ville de Périgueux. Les prisonniers furent conduits à
Château-l’Evêque et les officiers à Périgueux. Il fut brûlé
au bourg du Chapdeuil 2 à 3 maisons pour obliger les cavaliers à se
rendre plus tôt, le canon fut ramené sans rien faire »
Le 3 Juillet les frondeurs poursuivent
leur offensive, ils attaquent et prennent La Tour Blanche. Ils sont
dirigés par Saint Aubin, capitaine de Condé, qui prend la ville
sans coup férir car le capitaine des troupes royales s’enfuit à
son arrivée sans combattre.
Dès lors, de Juillet 1652 à Mai 1653,
tout le Périgord est aux mains des frondeurs. Dans notre secteur,
La Tour Blanche, Chapdeuil, Verteillac, La Chapelle-Montabourlet,
Fongrenon, Jovelle sont occupés par leurs garnisons.
Mais dans le même temps, le vent a
tourné pour les frondeurs dans le reste du pays. Le 21 Octobre 1652,
Louis XIV rentre triomphalement à Paris, Condé est déchu et
condamné à mort. D’Harcourt a été remplacé par Folleville à
la tête des armées royales. D’abord battu en juin 1652 à
Montanceix par les frondeurs, il reprend l’offensive à partir de
la Saintonge et de l’Angoumois en s’appuyant sur les fidèles du
roi. C’est dans cet entre-deux que vient se situer l’épisode
politico-drolatique du passage de Madame de La Guette, « espionne »
du roi dans notre secteur.
Madame de La Guette
Alors que son mari est du parti des
Princes (de Condé) et se trouve à Bordeaux, elle est du parti du
roi et dispose de sa confiance au point qu’elle effectue des
missions « diplomatiques » dans son intérêt. Début
1653 elle revient d’une mission en Lorraine et elle est chargée
derechef de sonder les intentions des révoltés de Bordeaux et de la
Guyenne, en rejoignant son mari et en le ramenant « dans le
droit chemin ». C’est une aventurière à la fois sage, elle
aime son mari, et intrépide car elle va aller à cheval d’Angoulême
à Périgueux, accompagnée d’un ami de son mari et d’un
serviteur, en traversant un pays en guerre. Mais c’est aussi comme
on disait à cette époque une femme d’esprit. Sa description
pleine de drôlerie des personnages et des situations auxquelles elle
va être confrontée ont fait, lorsqu’elles paraîtront, le succès
de ses mémoires.
Madame de La Guette va donc passer par
la Rochebeaucourt se dirigera sur La Tour Blanche où elle va
rencontrer le capitaine (frondeur) de la garnison Mr de La
Roche-Verney, qui lui fera la cour mais ne lui trouvera qu’un
méchant hareng et quelques prunes pour tout repas. Il
l’escortera, pendant une lieue, toujours en lui faisant la cour et
en caracolant autour d’elle pour lui montrer ses talents de
cavalier.
A Bourdeille les frondeurs la prennent
pour un grand personnage de la fronde déguisé qui voyage incognito
pour rejoindre Condé. Elle ne se démonte pas et discute batailles,
stratégie avec eux, elle entre dans le jeu en demandant qu’on lui
envoie une servante pour la nuit. Le lendemain elle est réveillée
par une parade de cavaliers sous ses fenêtres pour saluer son
départ. Porteuse de renseignements précieux pour les troupes
royales elle rejoindra Périgueux puis Bordeaux et repassera par
Ribérac.
La fin de la Fronde et ses conséquences politiques pour le Chapdeuil et les environs
Quand Mme de La Guette passe à La Tour
Blanche, les frondeurs ont perdu la partie mais ne le savent pas
encore. L’offensive de Folleville à partir de l’Angoumois est
déclenchée alors que les ralliements au roi se font de plus en plus
nombreux.
François Grand Du Pouzet seigneur de
Tinteillac en est le fer de lance pour le secteur. Le 4 mai 1653,
Folleville lui donne l’ordre d’attaquer La Tour Blanche avec
l’aide de 120 soldats venus de la ville de Nontron. Le 14 mai
l’attaque a lieu, François Grand l’emporte, mais De La
Roche-Verney se défendra, la bataille sera rude, et le château de
La Tour Blanche en portera les marques. François Grand est nommé
immédiatement gouverneur de la place par Folleville. Mais en
représailles les frondeurs pilleront son château de Tinteillac sans
doute à partir du Chapdeuil, garnison la plus proche.
Le 3 aout la ville de Bordeaux se
soumet, c’est la fin de la Fronde.
Cet évènement aura des conséquences
politiques importantes pour la vie politique et l’histoire de nos
villages car elle marquera la fin de la suprématie des Bourdeille et
le début de l’ascension des Labrousse, seigneurs de Verteillac,
qui auront choisi le bon camp au bon moment. François Sicaire ne
rentrera en grâce auprès du cardinal que deux ans plus tard mais
sera complètement discrédité. Louis XIV distribuera honneurs et
récompenses à ses soutiens, par exemple la ville de Nontron sera
exemptée d’impôts en 1654. Par contre Eymeric Barriasson aura
beaucoup d’ennuis et de tracasseries de la part des royalistes et
les consuls de Périgueux qui avaient apporté leur soutien à la
Fronde verront leurs noms effacés des registres de la ville.
Les évènements de la Fronde à peine
effacés des mémoires, deux évènements tragiques auront pour
protagonistes des nobles du Chapdeuil.
La mort d’Etienne de la Croix et la fuite de Mathurin Clugniac
Le 30 Janvier 1661, Léonard de
Fayolle, seigneur du Chapdeuil demande à ses amis de l’accompagner
à Bourdeilles pour rendre visite dans cette ville à la demoiselle
Jay du Pressac , fille du lieutenant au siège du présidial de
Périgueux. Parmi ses amis il compte Mathurin Clugniac et Etienne de
la Croix15
, écuyer, sieur du Chaslard16.
Etienne de la Croix voue une haine inexpliquée à Mathurin Clugniac
et, au retour de Bourdeilles, alors qu’il chevauche côte à côte
avec lui, à un endroit appelé la Croix Saint Marc, il tire un coup
de pistolet sur Mathurin et le blesse, il s’apprête à tirer avec
son deuxième pistolet, mais Mathurin sort le sien et tue Etienne de
Fayolle avant que celui-ci ait eu le temps de faire feu. Bien sur
tous les cavaliers sont témoins qu’il a agi en état de légitime
défense, mais pour échapper à la justice, Mathurin s’enfuit de
la juridiction de Bourdeilles et se réfugie chez M Fargeot,
lieutenant de la maréchaussée du Périgord à Saint-Pierre-de-Côle.
Il est soigné par la fille de celui-ci, en tombe amoureux et
l’épouse en 1663. La demoiselle aura pour dot la terre de Lavit
autrefois dans la seigneurie de Bruzac. Epilogue heureux de ce
drame : Il adressera une supplique à Louis XIV et sera gracié.
La mort de Jean de Fayolle
On sait peu de choses sur l’assassinat
de Jean de Fayolle, seigneur du Chapdeuil, si ce n’est le motif :
une querelle de voisinage au sujet d’un droit de
colombier. Toujours est-il qu’en 1678, de retour de Paris il est
assassiné dans la forêt d’Orléans. Et Jules de Verneilh
d’ajouter (1886) « bel exemple des passions des
plaideurs d’autrefois et des haines qu’engendraient de futiles
motifs ! Mais ces passions ne sont-elles pas de tous les temps
et les revolvers modernes ne partent-ils pas pour de moindres raisons
que des rivalités seigneuriales ? »
Le Hameau de Lapouze
C’est dans ce hameau
qu’habitera un Montozon, notaire, membre de cette famille qui
donnera un maire à Périgueux et qui possèdera un temps le château
de Ferraillou.
Un bâtiment tout en longueur garde les
traces de fenêtres et de portes probablement du XVIe ou XVIIe
siècle et possède un four en très bon état de conservation.
La maison noble de la Jubetie
Passé le hameau de La Pouze nous nous
dirigeons sur les coteaux, au sud de la vallée de l’Euche où, en
lisière des bois, se trouve le hameau de La Jubetie (parfois écrit
Joubetie dans les registres paroissiaux). Ce domaine était un
repaire noble, dont il ne reste qu’une partie des bâtiments
originels. On remarque dans la cour un très beau puits à la
margelle ouvragée, une tour carrée, à la fois habitation dans sa
partie inférieure et pigeonnier au dernier étage. A l’intérieur
de ce pigeonnier on remarque la potence pivotante permettant, avec
une échelle, de nettoyer les casiers dans lesquels se trouvaient les
paniers en osier servant de nids aux pigeons. On distingue encore la
trace des montants qui devaient supporter ces casiers. Ce système
est identique à celui qui est encore visible dans le pigeonnier du
château de Tinteillac.
Dans le logis attenant à la tour, un potager, ancêtre de la cuisinière, est encore visible. Dans une grange du domaine nous pourrons voir, intact, un four et une charrue en bois avec soc en acier en très bon état de conservation. Lors de la construction de ce repaire noble les propriétaires n’eurent pas à aller très loin pour les matériaux, une carrière de pierre est visible à 100 mètres à peine des bâtiments!
Dans le logis attenant à la tour, un potager, ancêtre de la cuisinière, est encore visible. Dans une grange du domaine nous pourrons voir, intact, un four et une charrue en bois avec soc en acier en très bon état de conservation. Lors de la construction de ce repaire noble les propriétaires n’eurent pas à aller très loin pour les matériaux, une carrière de pierre est visible à 100 mètres à peine des bâtiments!
Nous arrivons ensuite dans le bourg qui
comprend plusieurs édifices remarquables, en particulier une maison
forte17
de plan rectangulaire qui sera modifiée au XVIIe siècle avec
l’ajout d’un escalier à vis en pierre dans une tour hors
d’œuvre. 18»
qui fut jusqu’à la fin du XIXe siècle le passage de la route
principale traversant le village d’ouest en est. Derrière le
passage vouté, nous avons pu admirer une belle tour comportant une
élégante échauguette dont la base est ornée d’un modillon
sculpté d’un visage au sourire ironique. Cet ensemble
architectural : le passage, la maison située au-dessus de la
voute et la maison forte, ont fait de tout temps le bonheur des
peintres et des aquarellistes et donne avec le château un cachet
particulier à ce village du Périgord.
Cette tour est à 4 pans en façade et carrée à l’arrière. La maison comporte de nombreux linteaux en accolade dont certains pourraient être des réemplois provenant du château. Cette maison forte est située au bord d’un passage vouté en arc outrepassé appelé « passage Napoléon
Cette tour est à 4 pans en façade et carrée à l’arrière. La maison comporte de nombreux linteaux en accolade dont certains pourraient être des réemplois provenant du château. Cette maison forte est située au bord d’un passage vouté en arc outrepassé appelé « passage Napoléon
L’église du Chapdeuil, dédiée à
Saint Astier, date de 1877. Elle fut construite sur l’emplacement
de l’église dont nous connaissons l’existence par sa donation à
l’abbaye de Saint-Cybard en 1142. Au sud de l’église se trouvait
une halle qui fut transformée en salle des fêtes à la fin du XXe
siècle. En face de cette halle, une maison du XVIIIe siècle fut
modifiée en 1899 par l’architecte Meunier pour abriter le
presbytère. Enfin, avant d’entrer dans le château par sa belle
porte monumentale à portes cochère et piétonne, datant
probablement du début du XIXe siècle, on peut observer une nouvelle
maison à balet, dotée de deux colonnes supportant l’avancée du
toit.
Le Château du Chapdeuil
Clou de la promenade historique, le
Château a suscité de nombreuses études d’historiens et
l’enthousiasme des amateurs de vieilles demeures historiques.
Dernière étape de notre parcours, avec un retard d’une demi-heure
sur l’horaire prévu, notre arrivée tardive a surpris la
propriétaire qui ne put nous accueillir comme elle le souhaitait. Je
la prie de m’en excuser, mais le déplacement de plus de cent
personnes ne se maîtrise pas facilement !
C’est un château de plaine bâtit
sur un ilot créé artificiellement à partir méandre de l’Euche,
comme indiqué plus haut.
La chronologie de son édification
jusqu’à son visage actuel a donné lieu, de la part des historiens
à des versions différentes.
Pour Jules de Verneilh19,
le premier à analyser son architecture, « Malgré ses
petites dimensions, il n’est pas en Périgord de château du XIIe
siècle plus incontestable que celui-là, comme il n’en est pas
d’aussi peu important.
Dans notre pays où les vrais donjons sont assez rares, celui du Chapdeuil, sauf les mâchicoulis du XVe siècle dont on l’a couronné et quelques fenêtres du même temps percées après coup, est parfaitement intact. »
Dans notre pays où les vrais donjons sont assez rares, celui du Chapdeuil, sauf les mâchicoulis du XVe siècle dont on l’a couronné et quelques fenêtres du même temps percées après coup, est parfaitement intact. »
Ce ne sera pas l’avis de Pierre
Moreau-Desthouars qui un peu plus de cent ans plus tard proposera une
autre chronologie. Après avoir passé en revue les différentes
parties du donjon voici ce qu’il en dit : « La plus
grande originalité du donjon du Chapdeuil réside dans la
disposition exceptionnelle de ses contreforts, notamment ceux de la
façade sud tournée vers le village. Ils présentent en effet deux
arcatures dont la raison d’être semble plus décorative que
fonctionnelle. Le contrefort central partant de fond comme les deux
autres, s’élargit soudain par l’artifice d’un encorbellement
maçonné au niveau du premier étage, il ne s’agit nullement d’un
caprice décoratif ; cet élargissement est, en effet, nécessité
par la présence de deux cheminées intérieures dont ce large
contrefort constitue le contrecœur. Ces arcatures aveugles font
ranger le donjon du Chapdeuil dans une famille restreinte de donjons
utilisant un type de décor apparenté qu’on ne retrouve qu’au
sud de la Charente et de la Vienne, tels le donjon de La Tour-Blanche
tout proche ou celui de la Rochefoucault en Charente ou bien encore
ceux de Montbrun et Château-Chervix en Haute-Vienne.
La conclusion de Moreau-Desthouars
infirme la datation du XIIe siècle faite par Jules de Verneilh :
« Etabli dans un ensemble à
l’origine conçu pour l’attaque et la défense, derrière des
lignes successives de murailles et du large fossé d’antique
création il peut à première vue faire illusion. Mais, à
l’exception des mâchicoulis, il ne comporte aucun aménagement
véritablement militaire. Au contraire, la faible épaisseur des murs
qui ne résisteraient pas même à une petite artillerie… font
soupçonner que ce donjon a été construit pour tout autre raison. »
Puis il passe en revue les éléments
contredisant la datation au XIIe siècle : « les
mâchicoulis, pas antérieurs au début du XIVe siècle bien sûr,
mais aussi la modénature20
des chambranles des cheminées et des fenêtres qui ne sauraient
remonter également au-delà du XIVe. » Il propose donc de
rajeunir la tour à la fin du XVe ou même au début du XVIe siècle,
arguant du fait qu’en Périgord cet archaïsme architectural est
fréquent (tour de Narbonne, tour de Richemont).
Dernier venu dans cette controverse,
Vincent Marabout, chargé de mission à la conservation du patrimoine
départemental nous propose une chronologie argumentée très
convaincante. Dans son article « l’Euche, l’îlot et
l’aula » voici ce que nous propose V Marabout :
« Jusqu’alors, les
observateurs se sont mépris sur la nature et la chronologie du
château du Chapdeuil. Les plus précoces y voyaient un donjon roman.
Difficile alors d’expliquer ses dimensions réduites et la
faiblesse des murs, à peine trois pieds d’épaisseur alors que les
tors maitresses de la même époque en affichent le double. Plus
récemment, d’autres y ont vu un donjon de la fin du XVe siècle
aux traits archaïques, tels ceux de Narbonne (Saint-Just) ou de
Saint-Crépin-de-Richemont situés à proximité. L’implantation
des contreforts et la présence au rez-de-chaussée de trois baies à
ébrasement, typiquement romanes, rendent peu crédible cet
argumentaire.
Expliquer Chapdeuil par la
transformation d’une aula primitive, c’est-à-dire d’une grande
salle seigneuriale romane permet de répondre aux interrogations. Au
XIIe siècle, le logis du seigneur, souvent composé d’une salle et
d’une chambre (aula et camera) est encore rarement associé à une
tour maîtresse, symbole du pouvoir et de la puissance militaire
comme à Bourdeilles. Les grandes salles romanes possèdent des
caractéristiques communes. Le rez-de-chaussée, faiblement éclairé,
tient lieu de cuisine et de réserve. Le deuxième niveau, ou étage
noble, est destiné à la réception des hôtes du seigneur et à son
propre couchage. On y accède par un escalier extérieur souvent en
bois. Les aulae les plus importantes possédaient plusieurs étages.
Toutes étaient dépourvues de fortifications. Chapdeuil n’échappe
pas à la règle.
Au début de la guerre de Cent Ans,
sur la base romane dont il ne reste qu’une partie du
rez-de-chaussée et quelques vestiges de l’étage, on a édifié
une tour dominée par une ceinture de mâchicoulis. Elle fut équipée
de baies à coussièges et de cheminées conformes aux canons de
l’époque. A l’ouest, une cage d’escalier est venue remplacer
l’ancien degré, condamnant l’accès primitif encore visible »
Par contre pas de controverse en ce qui
concerne la partie nord du château :
« Au XVIIe siècle, la
construction du logis nord et du pigeonnier flanquant la façade
orientale donnent au château sa physionomie actuelle »
J’ajoute pour être complet que
pendant la Révolution, le château reçut la visite des envoyés de
Lakanal le 21 nivôse 1793. Leur rapport porte les injonctions
suivantes : « Avons remarqué à côté une maison en
forme de château, situé dans le bourg du Chadeuil, appartenant à
la citoyenne Christine Fayolle, et à côté du corps de logis un
gros et haut pavillon bordé de créneaux et canonnières ;
lequel pavillon avons ordonné la démolition, comme aussi nous avons
trouvé que ladite maison, jardin et bassecour, sont entourés d’un
fossé de 10 à 12 pieds de profondeur sur 25 à 30 pieds de largeur
garni d’eau net traversé d’un pont en pierre faisant l’entrée
du dit château qui par sa construction imposante doit être comblé
depuis la porte gauche de l’entrée du sud jusqu’à la partie
droite où l’eau prend son entrée, exceptant expressément la
partie nécessaire au moulin dépendant de la même maison. La
Démolition devrait commencer le 30 du courant »
Signé : Delaître, Cruveiller
officier municipal, Lacour et Labonne
La différence d’appareil
montre que, seules les façades nord et ouest du logis du XVIIe
siècle, ont été démolies en application du décret. Mais leur
reconstruction fut entreprise quinze ans plus tard comme le montre la
date de 1811 gravée sur une poutre maîtresse de la charpente de
couverture.
On notera dans ce rapport
l’existence d’un moulin à eau, certainement banal, disparu
depuis.
Le petit châtelet
d’entrée, donnant accès au pont dormant, portait sur le linteau
de sa porte des armoiries qui furent martelées.
Enfin, dernier élément de
cette propriété noble, un colombier monumental de 11 mètres de
diamètre coiffé d’un toit en poivrière recouvert de tuiles
plates, ce pigeonnier pourrait être daté de la fin du XVIIe début
du XVIIIe siècle car il ne figure pas dans l’état des biens de
Jean de Fayolle en 1678.
Les seigneurs du Chapdeuil21
Les « La Tour »
Les premiers seigneurs du Chapdeuil
appartiennent à la famille La Tour et sont vassaux du seigneur de
La Tour Blanche.
Guillaume de La Tour, archidiacre de
Périgueux, reçoit en partage la seigneurie du Chapdeuil et son
frère Itier conserve celle de La Tour-Blanche. L’un des trois
enfants d’Itier, Guy devient après Guillaume seigneur du
Chapdeuil. Lorsque sa sœur, Marquèse, se marie en 1308, avec Hélie
de Saint-Astier, Guillaume lui constitue une rente de 25 Livres sur
le Chapdeuil, Leguillac, Monsec et Vieux Mareuil.
En 1311, dans son testament, Itier
de La Tour désigne son frère Guillaume l’archidiacre comme son
exécuteur testamentaire. De son mariage avec Raimonde il laisse
trois enfants, Marquèse Dame de Montréal, Guy seigneur du
Chapdeuil, Guillaume et Pierre coseigneurs de La Tour-Blanche.
Au début de la guerre de Cent ans,
en 1358, un jugement oblige le comte du Périgord de restituer à Guy
de la Tour, seigneur du Chapdeuil, le bourg et la paroisse de
Verteillac, qu’il s’était indument approprié. Notons au
passage que bien que vassal du seigneur de La Tour Blanche, Chapdeuil
est érigé très tôt en châtellenie comprenant Chapdeuil, Bourg
des Maisons, Verteillac. Puis à une date inconnue Verteillac est de
nouveau détaché de la châtellenie du Chapdeuil. L’almanach de
Guyenne de 1760, ne qualifie plus le Chapdeuil que de repaire noble
ayant droit de justice sur le Chapdeuil et Bourg des Maisons
Les « Saint-Astier »
Faute d’héritier mâle, au décès
de Guy de La Tour, la seigneurie tombe par succession dans la maison
des Saint-Astier.
Les « Peronnec et
Salagnac »
Vers 1400, Catherine de Saint-Astier
épouse Géraud de Peronnec, seigneur de Loupiac. Leur fils Michel se
marie vers 1461 avec Agnes de Lastours. Leur fille unique, Anne, se
marie avec Pierre de Pombriand, chambellan du roi Charles VII et lui
apporte le Château de Montréal et celui du Chapdeuil.
Puis vers la fin du XVe siècle, en
1495 nous voyons apparaitre une famille, les Salagnac, qui
deviennent coseigneurs du Chapdeuil avec les Peronnec.
Les « Pombriand »
François de Pombriand, sénéchal
et gouverneur du Limousin, seigneur de Montréal et du Chapdeuil, se
marie trois fois. Il meurt en 1569 et laisse pour héritier universel
son fils Hector âgé de quatre ans et demi, issu de son second
mariage. Hector épouse Catherine de Montardit en 1584, il sera
chevalier de l’ordre du roi, gentilhomme ordinaire de sa chambre.
Les « Foucauld »
Françoise de Pombriand, fille
d’Hector de Pombriand et de Catherine de Montardit s’unit en 1611
à Gaston de Foucauld et lui apporte en dot le Chapdeuil. C’est à
partir de ce moment que les Foucauld ont joint à leur nom celui de
Pombriand.
Les « Fayolle »
En juillet 1633, on célèbre le
mariage de Catherine, leur fille avec Jean de Fayolle. Dans la dot de
l’épousée il y a le Chapdeuil qui restera dans la famille de
Fayolle jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Comme nous l’avons vu
plus haut Jean de Fayolle sera assassiné en Juin 1678.
Son fils ainé, Gaston Isaac,
assiste à l’inventaire du château au requis de sa mère Catherine
de Foucauld. Il est marié à Dauphine de Labrousse de Verteillac et,
dans un acte daté de 1681, son fils Nicolas est qualifié de
chevalier, seigneur du Chapdeuil.
Toutefois Gaston-Isaac ne vivait
plus lorsque sa mère fit son testament en 1680 par lequel elle donne
la seigneurie du Chapdeuil à Léonard son troisième fils qui y
fonde une branche, Léonard de Fayolle, son fils, lui succèdera.
Léonard de Fayolle, écuyer,
seigneur de la Sipière, teste le 1er juin
1686. Il s’est marié le 11 janvier 1680 à Marie Salleton de
Jamaux dont il a deux enfants : Françoise et Pierre. Pierre
s’unit le 31 décembre à Marie du Lau qui lui donne deux enfants,
l’un, Nicolas, devient prêtre, l’autre, Jean, épouse Marguerite
Gauthier « très avancée en âge » dont il n’aura pas
d’enfant. La généalogie de cette branche s’arrête donc là.
Demoiselle Marie-Dauphine de Fayolle
devient en 1739 la deuxième épouse de Claude Grand, seigneur du
Reclaud et de Massac. Leur fils Claude Grand né en 1755, se qualifie
encore seigneur du Chapdeuil mais il n’en possède plus que le
château et la pré-clôture, le reste « avec toute la justice,
les droits seigneuriaux de halle, foires, péages, litres en dedans
et au dehors, sonneries, banc et tombereaux » ayant été
acquis par Henri Bertin22.
Claude Grand épouse en 1774 Claire
Varaillon. Ils habitent le Château. Ils ont plusieurs enfants,
Christine en 1775, Charlotte en 1784, et Jean Grand de Luxolières,
en 1787 dont la marraine est Christine Gauthier de Fayolle, sa
grand-tante. En 1789, cette dernière, en qualité d’usufruitière
du fief et habitante du château, se fait représenter à l’assemblée
de la noblesse par André-Alain de Fayolle auquel elle donne
pouvoir ; c’est elle qui est désignée comme la propriétaire
du château dans le décret de démolition en 1793.
Comme il le fait lui-même remarquer
dans son texte P Moreau-Dethouars, la chronologie des propriétaires
du Château au XIXe siècle est moins fouillée, il s’est basé sur
les renseignements fournis par Emmanuel Duchazaud sur la famille Gros
du Beler, propriétaire du château en 1851 et 1886.
Les Gros de Beler
«Cette famille bien connue de
la haute bourgeoisie de Périgueux, descendante des Bertin, avait
plusieurs attaches anciennes dans le Ribéracois. Elle en était
d’abord originaire (Auriac de Bourzac), ensuite Antoine Gros de
Beler, consul de Périgueux et Avocat au Parlement vient se marier à
Saint Just, dons tout près du Chapdeuil en 1721 avec Jeanne de
Goumondie. Enfin Joseph Gros de Beler vient se marier en 1841 au
château du Reclaud à Bourg des Maisons avec Christine Grand de
Luxolière de Tinteillac, fille de Claude et Marguerite du Souchet de
Narbonne. Ainsi s’explique la présence des Gros de Beler au XIXe
siècle au château du Chapdeuil »
Au XXe siècle le château sera acheté
par la famille Mazieres-Augereau puis en 1978 par les
actuels propriétaires Mme et M. Daleyrac.
Souhaitons, comme en a exprimé le
souhait Mme Daleyrac dans son allocution de bienvenue, que les
archéologues s’intéressent un jour à ce château qui peut nous
livrer de précieux renseignements sur la genèse d’un château
fort de plaine.
Le 21 septembre 2013
Gabriel Duverneuil
Bibliographie
« Une liste des fiefs de la
famille de la Tour » Louis Grillon, revue Mémoire de la
Dordogne N°16
« La compagnie vassalique du
seigneur de LA TOUR-BLANCHE en 1249 », B. Fournioux,
Documents d’Archéologie Périgourdine (ADRAP) 1991
« Les Mémoires de Mme de la
Guette », SHAP 1915
« Livre journal de Pierre
Bessot 1609-1652 », SHAP 1893
« Le repaire de Ramefort :
un document inédit sur la Fronde en Périgord », SHAP 1898
« Le château du Chapdeuil »,
Jules de Verneilh, SHAP 1887
« Le château du Chapdeuil »,
P. Moreau-Desthouars, dans « vieilles demeures du Périgord,
n°2, PLB éditions, 1989
« Le signe des puissants »
Line Beker, SHAP 2012
« L’Euche, l’ilot et
l’aula », V. Marabout, article à paraitre
«Les chevaliers périgourdins et
leur assise territoriale au XIIIe XIVe siècle»,
Bernard Fournioux, Archéologie médiévale, t. XVIII, 1988,
« Le Chapdeuil en 1793 »,
« Le recensement de 1846 », « Le
Chapdeuil au XIXe siècle chronologie de la fusion/séparation entre
Saint-Just et le Chapdeuil », Mr Durand, documents en
mairie du Chapdeuil.
« Notes sur le Chapdeuil »,
A. Giraud, manuscrits 1913
« Croquis de monuments et de
sites du Périgord par Lucien De Malville » Association
Lucien De Malville, éditions de l’entre-deux-mers.
Remerciements
Remerciement aux propriétaires pour
nous avoir permis d’accéder aux monuments visités : Mme&M.
Vriezen à Fougères, Mme&M. De Tessières et Mme&M. Marcus
aux Granges, Mme&M. Daleyrac pour le château et le colombier,
Mme Guichard et M. Dubois à la Jubetie, Mme Burnez pour sa
maison dans le Bourg.
Remerciements à Mme Marcheville, M.
Bonnefon, M. Raynaud, M. Desvergnes, M. Mazeau, Mme la Maire du
Chapdeuil et à Mme&M. Daleyrac pour les renseignements et
documents qu’ils m’ont transmis.
Merci à tous les
bénévoles qui ont aidé à nettoyer les chemins, participé à
l’encadrement de la promenade historique, cuisiné et servi, avec
le sourire, l’excellent repas que nous avons partagé dans la salle
des fêtes du Chapdeuil.
1
N’ayant aucun renseignement sur cette croix, je serai
reconnaissant à toute personne en possédant de m’en faire part.
2
Archives Départementales : 2 E 1094-3
3
Comme pour la note 1, les informations sont les bienvenues.
4
Médecin sans le grade de docteur
5
Personne experte en procédure et instruction de procès
6
Personne chargée d’administrer les biens propres de la paroisse
au sein d’un conseil dénommé « fabrique ».
7
Fabriquant de galoches : autre nom des sabots en bois
8
Tisserands dédiés à la confection de la serge (mode de tissage)
9
Alain de Solminihac (1593-1659) prélat réformateur de l’abbaye
de Chancelade, puis nommé « malgré lui » évêque de
Cahors. Il sera un fer de lance de la contre-réforme catholique en
Périgord et Quercy
10
Nom des levées d’impôts destinés à la guerre.
11
Condé : Louis de Bourbon, prince de Condé, duc d’Enghien,
auréolé du prestige du vainqueur des Espagnols à la bataille de
Rocroy (1643) sera surnommé « Le Grand Condé »
12
Avec laquelle la France est en guerre !
13
C’est-à-dire de représentant du roi en Périgord !
14
Château situé entre Bourdeilles et Brantôme
15
Les De la Croix sont seigneurs de Jovelle à La Tour Blanche
16
Hôtel noble dans La Tour Blanche
17
Maison forte : C’est à partir du XIIe siècle que les
manuscrits signalent les « Domus fortis »,
distinctes des « castrum ». Les historiens
actuels font donc la différence entre le château lieu de
résidence d’un détenteur de droit de ban à l’origine d’une
circonscription territoriale comme une châtellenie et la maison
forte résidence des chevaliers (miles) qui accèdent à la
noblesse dans la deuxième moitié du XIIe siècle, ce phénomène
durera jusqu’au XVIe siècle
18
On connait l’engouement des Français pour qualifier nombre de
routes « routes Napoléon », Le Chapdeuil n’a sans
doute pas voulu être en reste. Mais … Napoléon n’est jamais
passé en Dordogne, il y fut attendu, mais ne vint jamais. Par
contre il est possible que le Chapdeuil ait vu passer des troupes
napoléoniennes se rendant en Espagne !
19
Jules de Verneilh : (1823-1899) historien, archéologue, poète,
dessinateur, un des fondateurs de la Société Historique et
Archéologique du Périgord
20
Modénature : proportions et disposition des éléments
d’ornement des façades, constituant le style architectural.
21
La chronologie des seigneurs du Chapdeuil est extraite du travail de
Pierre Moreau-Dethouars, ouvrage cité dans la bibliographie. C’est
celle qui me paraît la plus complète. Plus complète que celle
établie par les historiens du XIXe siècle, ayant étudié la
chronologie des seigneurs du Chapdeuil, Jules de Verneilh,
Dujarric-Descombes. Toutes les références figurent dans le texte
de P Moreau-Dethouars, je ne les reproduis pas pour ne pas
surcharger ce compte rendu. Ma seule réserve concerne
l’assimilation du troubadour Guillaume de la Tour à la lignée
des seigneurs de La Tour. Aucun texte ne le prouve et tout ce que
l’on sait de sa vie (en partie légendaire) se passe en Italie du
Nord. Qu’il soit originaire de la Tour Blanche est possible mais
il semble plus vraisemblable que Guillaume de la Tour soit un « nom
d’artiste ».
22
Henri Léonard Jean-Baptiste Bertin (1720-1792) : né à
Périgueux, avocat à Bordeaux. Il fut successivement président du
Grand Conseil, intendant du Roussillon, intendant de Lyon,
Lieutenant Général de police à Paris puis contrôleur général
des finances de Louis XIV.
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