Compte
– Rendu de la conférence de
Jean-Pierre Chadelle
Jean-Pierre Chadelle
Trois
ans de travaux sur le site de Jovelle
Premier
bilan
Jovelle
est une toute petite grotte dont il manque une partie. La paroi de
gauche, affaiblie par l’ouverture d’une carrière de moellons à
ciel ouvert, s’est effondrée à une date encore inconnue. La paroi
de droite s’est alors trouvée exposée aux intempéries mais,
heureusement, la roche n’est pas gélive. La grotte est ornée de
gravures préhistoriques représentant, entre autres, plusieurs
mammouths. Toutefois, l’étude des parois reste à faire dès
qu’elles auront reçu la protection d’un abri.
Des
silex taillés, récoltés sur le sol de la grotte, permettent
d’avoir une idée de la fréquentation des lieux : les nucléus à
lamelles sont caractéristiques de l’Aurignacien, période de la
première moitié du paléolithique supérieur. Les os et silex,
trouvés dans le tamisage des déblais d’une fouille clandestine
pratiquée en 2016, confirment cette attribution. Les datations
absolues réalisées sur des os par la méthode du carbone 14 donnent
également une date aurignacienne (-34 000 à -31 000 avant le
présent), à peine plus jeune que celles de Chauvet.
Dans
les sédiments tombés des fissures qui parcourent le plafond de la
carrière souterraine, un os de bison, rongé par la hyène, donne
une date antérieure à -43 500, c’est-à-dire contemporaine de
Neandertal. Enfin, un os humain venant du fond de la grotte est daté
de -4 880 montrant que la grotte a été utilisée comme
sépulture au Néolithique.
La
dalle calcaire est totalement perforée par les fosses d’extraction
des meules ce qui a provoqué l’effondrement de la paroi gauche.
Les blocs effondrés ont été laissés sur place. Ils portent, sur
une face, des gravures aurignaciennes, assez profondes pour s’être
conservées, et sur l’autre face, les traces du pic des carriers.
Lors de l’effondrement de la voûte, des meules et des déchets de
taille des carriers sont tombés sur le sol protégeant les vestiges
préhistoriques.
Pourquoi
faire des meules dans un calcaire coquillier ? Peut-être parce qu’il
est formé de bancs séparés par des fissures propres à rendre plus
facile le détachement des meules. Quelle est la datation de ces
meules ? Un peu plus loin, dans le bois, se trouvent d’autres cuves
de même dimension, dont l’exploitation s’étale sur plus de 200
m de longueur. Dans une cuve, au milieu des déchets de taille des
carriers, on a retrouvé deux os, restes culinaires, qui ont été
datés des XIème
- XIIème
siècles.
Au
XIXème
siècle, l’exploitation de pierre de taille passe en souterrain.
Les carriers connaissaient la grotte car ils ont respecté ses
contours en évitant de creuser au-dessous.
Le
dégagement devant l’entrée est de la carrière souterraine a
livré les ultimes vestiges de la carrière de moellons à ciel
ouvert responsable de l’effondrement de la paroi sud de la grotte.
Cette exploitation à ciel ouvert est postérieure à l’extraction
des meules puisqu’elle en recoupe les fosses. Elle est antérieure
au XIXème
siècle car on note seulement l’utilisation du pic sans trace de
scie. Le nettoyage du grand tas de déblais séparant la grotte de la
route, en vue de réaliser une plateforme pour les piliers du futur
abri, a livré d’autres informations. Pour pouvoir étudier le tas
de déblais, il a fallu nettoyer les pierres, une à une. Ce travail
fastidieux, réalisé grâce à l’aide bénévole des membres du
Club Histoire, a montré que les plus gros quartiers de pierre, au
sommet du tas, avaient éclaté suivant des trous forés à la barre
à mine. Il est apparu également que ces gros quartiers portaient
tous des traces de l’extraction des meules. D’autres trous de
barre à mine, éclatés, ont été retrouvés tout en haut du front
de taille de la carrière de moellons. L’hypothèse est donc la
suivante : avant de commencer l’extraction des moellons à
ciel ouvert, la poudre a été utilisée pour régulariser la surface
de la dalle calcaire, rendue par trop irrégulière par les fosses
d’extraction de meules. Il pourrait donc s’agir ici d’un des
plus anciens témoignages de l’utilisation de la poudre en
carrière.
L’exploitation
souterraine de pierre de taille s’est arrêtée aux environs de
1900. Sur la voûte, on voit encore les taches noires laissées par
les lampes des carriers et, sur les parois, les traces des dents de
leurs scies. En 1904, débute la culture de champignons : on ouvre
des puits d’aération et on crée un point d’eau. Les
champignonnières ont fonctionné jusqu’en 1981, l’arrêt est dû
à l’absence de fumier de cheval mais aussi à l’arrivée des
champignons d’Asie.
Le
site est propriété du Département depuis 2006. Il est
régulièrement entretenu par les agents du Conseil départemental
notamment pour éviter le développement de la végétation. Ainsi,
en partie haute du front de taille, les travaux se font avec une
nacelle car il n’est pas question d’utiliser des produits
chimiques.
Les
recherches se poursuivent avec le relevé de la totalité des
inscriptions (pour l’instant au nombre de 1 150) et l’étude
des traces des outils de carriers. Dans la carrière, où l’on a
découvert le fourneau d’une pipe du XIXème
siècle, les inscriptions ont été faites aussi bien par les
carriers que par les champignonnistes voire, plus récemment, par
d’autres visiteurs. Certaines inscriptions datent de la guerre de
14, comme par exemple : « Guillaume
II empereur d’Allemagne mauvais sujet pour les Français ».
D’autres sont plus tardives. On trouve également des dessins :
personnage casqué, Spahis, etc. Une anecdote : cette géologue
des Monuments historiques qui avait pris pour du béton le calcaire
des parois de la carrière souterraine.
L’accord
de tous les services de l’état a été obtenu pour la réalisation
de l’abri de protection. Un premier projet, trop cher, a dû être
refusé. Un second, plus simple, est à l’étude. Il sera bien sûr
nécessaire de clôturer le site pour le protéger mais des journées
portes-ouvertes seront à nouveau organisées pour permettre à tous
d’accéder à ce patrimoine extraordinaire.
Jean-Pierre
Pouxviel
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire