Compte rendu du 23 avril 20018


Compte – Rendu de la conférence de
 Jean-Pierre Chadelle
Trois ans de travaux sur le site de Jovelle
Premier bilan

Jovelle est une toute petite grotte dont il manque une partie. La paroi de gauche, affaiblie par l’ouverture d’une carrière de moellons à ciel ouvert, s’est effondrée à une date encore inconnue. La paroi de droite s’est alors trouvée exposée aux intempéries mais, heureusement, la roche n’est pas gélive. La grotte est ornée de gravures préhistoriques représentant, entre autres, plusieurs mammouths. Toutefois, l’étude des parois reste à faire dès qu’elles auront reçu la protection d’un abri.

Des silex taillés, récoltés sur le sol de la grotte, permettent d’avoir une idée de la fréquentation des lieux : les nucléus à lamelles sont caractéristiques de l’Aurignacien, période de la première moitié du paléolithique supérieur. Les os et silex, trouvés dans le tamisage des déblais d’une fouille clandestine pratiquée en 2016, confirment cette attribution. Les datations absolues réalisées sur des os par la méthode du carbone 14 donnent également une date aurignacienne (-34 000 à -31 000 avant le présent), à peine plus jeune que celles de Chauvet.

Dans les sédiments tombés des fissures qui parcourent le plafond de la carrière souterraine, un os de bison, rongé par la hyène, donne une date antérieure à -43 500, c’est-à-dire contemporaine de Neandertal. Enfin, un os humain venant du fond de la grotte est daté de -4 880 montrant que la grotte a été utilisée comme sépulture au Néolithique.

La dalle calcaire est totalement perforée par les fosses d’extraction des meules ce qui a provoqué l’effondrement de la paroi gauche. Les blocs effondrés ont été laissés sur place. Ils portent, sur une face, des gravures aurignaciennes, assez profondes pour s’être conservées, et sur l’autre face, les traces du pic des carriers. Lors de l’effondrement de la voûte, des meules et des déchets de taille des carriers sont tombés sur le sol protégeant les vestiges préhistoriques.

Pourquoi faire des meules dans un calcaire coquillier ? Peut-être parce qu’il est formé de bancs séparés par des fissures propres à rendre plus facile le détachement des meules. Quelle est la datation de ces meules ? Un peu plus loin, dans le bois, se trouvent d’autres cuves de même dimension, dont l’exploitation s’étale sur plus de 200 m de longueur. Dans une cuve, au milieu des déchets de taille des carriers, on a retrouvé deux os, restes culinaires, qui ont été datés des XIème - XIIème siècles.

Au XIXème siècle, l’exploitation de pierre de taille passe en souterrain. Les carriers connaissaient la grotte car ils ont respecté ses contours en évitant de creuser au-dessous.

Le dégagement devant l’entrée est de la carrière souterraine a livré les ultimes vestiges de la carrière de moellons à ciel ouvert responsable de l’effondrement de la paroi sud de la grotte. Cette exploitation à ciel ouvert est postérieure à l’extraction des meules puisqu’elle en recoupe les fosses. Elle est antérieure au XIXème siècle car on note seulement l’utilisation du pic sans trace de scie. Le nettoyage du grand tas de déblais séparant la grotte de la route, en vue de réaliser une plateforme pour les piliers du futur abri, a livré d’autres informations. Pour pouvoir étudier le tas de déblais, il a fallu nettoyer les pierres, une à une. Ce travail fastidieux, réalisé grâce à l’aide bénévole des membres du Club Histoire, a montré que les plus gros quartiers de pierre, au sommet du tas, avaient éclaté suivant des trous forés à la barre à mine. Il est apparu également que ces gros quartiers portaient tous des traces de l’extraction des meules. D’autres trous de barre à mine, éclatés, ont été retrouvés tout en haut du front de taille de la carrière de moellons. L’hypothèse est donc la suivante : avant de commencer l’extraction des moellons à ciel ouvert, la poudre a été utilisée pour régulariser la surface de la dalle calcaire, rendue par trop irrégulière par les fosses d’extraction de meules. Il pourrait donc s’agir ici d’un des plus anciens témoignages de l’utilisation de la poudre en carrière.

L’exploitation souterraine de pierre de taille s’est arrêtée aux environs de 1900. Sur la voûte, on voit encore les taches noires laissées par les lampes des carriers et, sur les parois, les traces des dents de leurs scies. En 1904, débute la culture de champignons : on ouvre des puits d’aération et on crée un point d’eau. Les champignonnières ont fonctionné jusqu’en 1981, l’arrêt est dû à l’absence de fumier de cheval mais aussi à l’arrivée des champignons d’Asie.

Le site est propriété du Département depuis 2006. Il est régulièrement entretenu par les agents du Conseil départemental notamment pour éviter le développement de la végétation. Ainsi, en partie haute du front de taille, les travaux se font avec une nacelle car il n’est pas question d’utiliser des produits chimiques.

Les recherches se poursuivent avec le relevé de la totalité des inscriptions (pour l’instant au nombre de 1 150) et l’étude des traces des outils de carriers. Dans la carrière, où l’on a découvert le fourneau d’une pipe du XIXème siècle, les inscriptions ont été faites aussi bien par les carriers que par les champignonnistes voire, plus récemment, par d’autres visiteurs. Certaines inscriptions datent de la guerre de 14, comme par exemple : « Guillaume II empereur d’Allemagne mauvais sujet pour les Français ». D’autres sont plus tardives. On trouve également des dessins : personnage casqué, Spahis, etc. Une anecdote : cette géologue des Monuments historiques qui avait pris pour du béton le calcaire des parois de la carrière souterraine.
L’accord de tous les services de l’état a été obtenu pour la réalisation de l’abri de protection. Un premier projet, trop cher, a dû être refusé. Un second, plus simple, est à l’étude. Il sera bien sûr nécessaire de clôturer le site pour le protéger mais des journées portes-ouvertes seront à nouveau organisées pour permettre à tous d’accéder à ce patrimoine extraordinaire.

Jean-Pierre Pouxviel

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