Compte rendu de la conférence de Claude Lacombe "Les évêques périgourdins en Espagne du nord au XIIe siècle"



 

DES ÉVÊQUES PÉRIGOURDINS EN ESPAGNE AU XIIe SIÈCLE

La Tour-Blanche, 13 juin 2022

 

par  Claude LACOMBE, historien et enseignant,

vice-président de l’Académie des Lettres et des Arts du Périgord

 

Vue de ZAMORA

 

* Jérôme de Périgueux (v. 1060-11220), administrateur du diocèse de Zamora depuis la Reconquête (1102-1120).

Au cours des XIe-XIIe siècles, la Reconquête de l’Espagne par les chrétiens contre la présence musulmane est soutenue par l’Eglise qui encourage l’unité religieuse du pays autour du catholicisme. L’implantation française en Espagne est liée à la Réforme grégorienne. Largement diffusée en France, des Francos sont alors envoyés en Espagne pour la propager et l’encadrer. Le pivot de cette organisation en Espagne est Bernard de Sédirac, archevêque de Tolède, originaire de l’Agenais, qui va faire appel, voire recruter des Français, dans le sud-ouest de la France principalement.

Claude Lacombe a entamé la recherche autour de ce thème, il y a plus d’une vingtaine d’années, lors d’une visite de la cathédrale de Salamanque, en y rencontrant le tombeau de Jérôme, dit de Périgueux, présenté comme évêque de Salamanque, puis de Zamora. Il décide alors d’approfondir les liens entre Espagnols et Périgourdins et se rend compte qu’il y a eu, par exemple, quatre évêques périgourdins successifs sur le siège épiscopal de Zamora : Jérôme de Périgueux, Bernard de Périgord, Etienne de Saint-Silain et Guillaume de Saint-Silain, neveu du précédent.

* Si l’origine territoriale de Jérôme est bien le Périgord, en revanche, le mystère reste entier en ce qui concerne son patronyme : appartenait-il à la famille de Périgueux ou de Périgord, une famille de chevaliers de la cité ou à la famille comtale ? Jérôme est recruté par l’archevêque. Il évolue dans la suite du Cid Campeador ! (seigneur qui gagne les batailles) l’accompagnant dans ses combats.

Nommé évêque de Valence en 1098, il reçoit une donation du Cid deux ans après ; on le d’ailleurs soupçonne d’être « l’oreille du pape ». Il quitte Valence en 1102 pour accompagner le corps du Cid vers Burgos et devient alors évêque de Salamanque. On peut suivre sa carrière grâce aux missions menées pour la reine Uracca, fille d’Alphonse VI, dont il est un des conseillers.

Où est-il inhumé ? D’abord dans l’église Sainte-Marie, qui a précédé la Vieille cathédrale de Salamanque, puis déplacé dans la Vieille cathédrale, vers 1150, encore déplacé, vers 1170. En 1608, on le transfert à nouveau dans la nouvelle chapelle. Ainsi, en 1615, un prêtre de la cathédrale situe le corps de Jérôme sous l’autel de saint Jérôme, en dessous du retable présentant en son centre le Christ des Batailles dont le culte est développé à cette date. En 1744, enfin, les restes de Jérôme sont déplacés  dans la Cathédrale neuve.

* Bernard de Périgord est recruté lui aussi par l’archevêque Bernard de Sédirac. Il sera évêque de Zamora de 1121 à 1149. Inhumé dans un mur de la cathédrale, il en a démarré la construction.

* Etienne de Saint-Silain, évêque de Zamora, de 1149 à 1173. La famille de Saint-Silain est connue à Périgueux ; plusieurs de ses membres appartiennent à la communauté de l’abbaye de Chancelade.

* Guillaume de Saint-Silain, évêque de Zamora de 1173 à 1193, est le neveu d’Etienne. Avec lui, se termine le chantier de la cathédrale.

 

* Si Alduin (Aldovino) de Périgord n’est pas un évêque périgourdin, il gravite dans l’entourage de Bernard de Périgord. Chanoine au chapitre de la cathédrale de Zamora, il est connu par son épitaphe, daté de 1215, dans l’église  San Frontis (Saint-Front) de Zamora.

 

Cathédrale de Zamora: Puerta del Obispo

Cette rapide présentation montre la présence d’ecclésiastiques périgourdins en Espagne durant tout le XIe siècle. Elle confirme le rôle de ces évêques et de leurs compagnons dans la reconstruction des villes espagnoles et surtout dans l’enracinement catholique pendant et après la Reconquête. Reste à montrer leur importance dans l’architecture et la culture, ce dont Claude Lacombe s’occupe actuellement avec des collègues espagnols.

Environ 80 personnes ont assisté à cette conférence.

Marie Paluë 

 PERIGOURDINS BISHOPS IN 12TH CENTURY SPAIN

La Tour-Blanche, 13th June2022

By Claude LACOMBE, historian and teacher,
vice-president of the Academy of Arts and Letters of Périgord


* Jérôme de Périgueux (v. 1060-11220), administrator of the diocese of Zamora since  La Reconquista (1102-1120).
During the 11th and 12th centuries,  the recapture of  Spain by the christians from muslim presence was supported by the church who encouraged the country to unite around the catholic faith. The French presence is connected to the Gregorian reform. Widely diffused throughout France, emissaries known as Francos are sent to Spain to propagate and direct it.
The key figure of this Spanish organisation is Bernard of Sédirac, archbishop of Toledo, born near Agen, who appealed to, more to the point recruted, the French principally from the south-west.
Over twenty years ago, Claude Lacombe began his research around this theme, when on a trip to Salamanca cathedral,  discovering the tomb of Jerome, purportedly from Périgueux, presented as bishop of Salamanca, and then Zamora. He decided to deepen his research on the relations between the Spanish and the Périgourdins and discovered that there had been, for example, four successive périgourdin bishops on the episcopal seat of Zamora  : Jérôme of Périgueux, Bernard of Périgord, Etienne of Saint-Silain and Guillaume of Saint-Silain, nephew of the precedent.
Although the geographical origin of Jerome is certainly the Perigord,  the origins of  his surname remain, on the other hand, a mystery : is he from a family from Perigueux or from the Perigord ; a noble family from the town or that of the counts of Perigord ?

Jerome is recruted by the archbishop. He then joins the suite of El Cid Campeador  (lord and master of the battlefield) accompanying him on his campaigns.
Named bishop of Valencia in 1098, he recieves a gift from El Cid two years later ; he had been suspected of being the ‘ears of the pope’. He leaves Valencia in 1102 to accompany the body of El Cid to Burgos,  and then becomes bishop of Salamanca. We are able to follow his career thanks to the missions undertaken alongside queen Uracca, daughter of Alphonse VI , as one of her counsellors.
Where is he buried ? Firstly in the church of Saint Mary, that preceded the old cathedral of Salamanca,  then displaced in the old cathedral, around 1150, and further displaced in 1170. In 1608, he was further displaced to the new chapel. And in 1615, one of the cathedral’s priests situated Jerome’s body under the altar of Saint Jerome, beneath the altar-piece representing Christ of the Battles as it’s centre piece, about the time when devotion to the latter began. Finally, in 1744 Jerome’s remains were transferred to the new cathedral.

* Bernard de Périgord was also recruted by Archbishop Bernard of  Sédirac. He was bishop of Zamora from 1121 to 1149. He was buried in the walls of the cathedral at the beginning of its construction.

* Etienne de Saint-Silain,  bishop of Zamora from 1149 to 1173. The Saint-Silain family is known in  Périgueux; several of its members were part of the Chancelade Abbey community.
* Guillaume de Saint-Silain, bishop of Zamora from 1173 to 1193, was the nephew of Etienne. Together they completed the construction of the cathedral.

* Si Alduin (Aldovino) of Périgord was not a périgourdin bishop, he mixed in the circles of Bernard of Périgord. Canon in the chapter of Zamora cathedral, he is known through his epitaph, dated 1215,  in the church of San Frontis (Saint-Front) in Zamora.

This rapid presentation shows the presence of Périgourdin clergy in Spain during the 11th century. It shows the role these bishops played, with their companions, in the reconstruction of Spanish towns and in the re-establishment of Catholicism during and after the Reconquista.
It remains to determine their influence in the architecture and culture, ongoing research that Claude Lacombe continues with his Spanish colleagues.


Traduction Finn Anson

 

Compte rendu de la conférence de Jean-François Gareyte "Hérétiques"

 

Gabriel Duverneuil commence par rappeler que les fouilles menées par Simon Chassain « chez Tézy » n’auront pas lieu cette année, aucun budget ne lui ayant été attribué et qu’elles sont reportées à 2023.

En revanche il prévoit une quinzaine de jours pour finir la prospection des carrières à ciel ouvert autour de Jovelle : la deuxième quinzaine de juillet et la première semaine d’aout si les conditions météorologiques ne sont pas favorables. 

Il annonce que dans le cadre de la fête de l’estampe il fera une conférence à La Marteille sur « Cercles au XIXe siècle, la République l’école et la laïcité », puis il passe la parole à Jean François Gareyte, spécialiste de la culture occitane et d’Antoine de Tonneins, roi d’Araucanie, 

Au temps des Hérétiques

 

 Jean-François Gareyte met l’accent sur le rôle joué par le Périgord et les Périgourdins dans l’hérésie, dont l’apogée culmine avec les « cathares » ou «la croisade contre les albigeois » aux XIIIe et XIVe siècles.

En réalité cette « hérésie » ou nouvelle religion a des racines bien plus anciennes. Elle s’articule autour d’une opposition à l’Église catholique romaine qui se met en place au VIe-VIIe et qui prône qu’il n’y a qu’un seul Dieu, représenté par la sainte Trinité : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Cette Église catholique entend être la seule et veut que les autres Églises s’agrègent à son pouvoir mais les Églises byzantines ou coptes ne l’entendent pas ainsi et chacun veut imposer son dogme.

Vers 1035, un moine nommé Héribert envoie une lettre circulaire montrant son inquiétude face à l’arrivée d’une nouvelle hérésie en Périgord, héritée des idées byzantines et bulgares qui se sont diffusées en Orient et dans l’est de l’Europe et qui contestent la hiérarchie de l’Église et la richesse des prêtres, entre autres. En Aquitaine, la majorité des romains devenus chrétiens pensent que Dieu ayant tout créé, Il est donc au-dessus de tout.

Pour contrer la nouvelle hérésie qui se propage, l’Église envoie Bernard de Clairvaux prêcher la population vers 1145. Il passe à Bergerac et s’arrête à Sarlat, ville « infestée d’hérétiques ».

En 1198, le nouveau pape Innocent III lance la 4e croisade qui aboutira à la destruction de Constantinople et donc à la chute de l’empereur et à l’affaiblissement de l’église byzantine.

1208-1209 Innocent III lance la croisade contre les albigeois et en nomme pour chef Simon de Montfort. Il excommunie le comte de Toulouse, Raymond VI, héritier des romains d’Aquitaine. Après la bataille de Muret, Montfort se dirige vers la vallée de la Dordogne, véritable « nid d’hérétiques » : Bergerac, Domme, Montfort, Castelnaud.

1218 Raymond VI, quitte la Catalogne avec une armée et reprend Toulouse. Voyant cela Montfort vient encercler la ville, mais des renforts menés par Bertrand de Cazenac et ses périgourdins aident le comte à reprendre Toulouse. Malheureusement le fils de Montfort en appelle au roi de France, Louis VIII, et le comte de Toulouse tombe dans l’escarcelle royale.

1233 Le pape Grégoire IX crée le tribunal de l’Inquisition pour en finir avec les hérétiques et leurs idées séditieuses. Il y aura des enquêtes dans toute l’Aquitaine : en Périgord à Cadouin et à Fénelon. Un tribunal s’installe à Périgueux en 1241, preuve qu’il y avait suffisamment d’hérétiques en Périgord, malheureusement les archives de ce tribunal n’ont pas été conservées.

L’inquisition siègera 150 ans environ, jusqu’à la fin du XIVe siècle. C’est période marquée par des destructions en tout genre dont le but est l’éradication de la culture vernaculaire, les croyances personnelles, la libre pensée, le libre arbitre… Tout cela reviendra en force vers 1550 quand de nouvelles idées émergeront et que des hommes « protesteront » contre l’hégémonie de l’Eglise catholique romaine.

La conférence a été suivie par 120 personnes et le conférencier, très applaudi, a ensuite répondu à de nombreuses questions.

Marie Paluë 

 

Gabriel Duverneuil began by reminding everyone that the dig led by Simon Chassain at ‘Chez Tézy’will not take place this year through lack of funding, and will begin again in 2023.
A couple of weeks have been set aside to finish the prospection of the open quarries around Jovelle : the last week of July and the first in August. He also announced that during the Fête de l’Estampe he will give a conference at La Marteille on ‘Cercles during the 19th century, the Republic, school and secularism’.

The Era of Heretics
By Jean-François Gareyte

Lecturer and Guide at the Dordogne Cultural Agency, specialist in Occitan culture and of Antoine de Tonneins, king of Araucanie.

Jean-François Gareyte emphasised the role played by the Perigord and it’s people during this heresy, the height of it being the Cathars and the Albigensian Crusade in the 13th and 14th century.
The reality though is that this ‘heresy’ or new religion had much older roots. It began aound an opposition to the Roman catholic church in the 6th and 7th century who advocated there is one God, represented by the holy Trinity : the Father, Son and Holy Spirit. The catholic church of the day claimed absolute power and demanded the other churches tow the line, but the Byzantine and Coptic churches refused and wanted to impose their dogma.
Around 1035, a monk named Héribert sent out a circular highlighting his worry in the face of a new heresy in Périgord,  spawned from ideas coming from  Byzantium  and Bulgaria, and spreading in the Orient and Eastern Europe, that challenged the hierarchy of the Church and, among other things,  the wealth of priests.
In Aquitaine, the majority of Romans who became christians believed that an all creating God, is over and above all.
To combat a propagating heresy the Church sent Bernard of Clairvaux to preach to the population in 1145. He went to Sarlat, via Bergerac; a town ‘infested by heretics’. In 1198, the new pope  Innocent III launched a fourth crusade that culminates in the destruction of Constantinople, the fall of the emperor and the weakening of the Byzantine church.
In 1208-1209 Innocent III launched a crusade against the Albigensians, and named Simon de Monfort to lead it. He excommunicated Raymond VI, the Count of Toulouse, and descendant of the Romans of Aquitaine. After the battle of Muret, Montfort headed to the Dordogne valley, a veritable 
‘haunt of heretics’ : Bergerac, Domme, Montfort, Castelnaud.
In 1218, Raymond VI leaves Catalonia with an army to take back Toulouse. On hearing this Montfort lays siege to the city, but Périgourdin reinforcements led by Bernard of Cazenac help the count to reclaim Toulouse. Unfortunately, Montfort’s son and the count of Toulouse wind up in the pockets of Louis VIII, the king of France.
In 1233 pope Gregory IX creates the Inquisition to finish with the heretics and their seditious ideas. There are investigations all over Aquitaine : in the Périgord at Cadouin and Fénelon. 
A court is set up in Perigueux as of 1241, proving the existence of numerous heretics in  Perigord.  Unfortunately no archives remain of this tribunal.
The Inquisition remained for 150 years until the end of the 14th century. This period was marked by all forms of destruction with the aim of eradicating vernacular culture, personal beliefs, free thinking and free will…

All this returns in force towards 1550 when new ideas emerge and people ‘protest’ against the hegemony of the Roman catholic church. 
120 people attended the conference,  and the well applauded lecturer then answered numerous questions 

Finn Anson