compte rendu de la journée du 6 juillet 2014



"Dimanche 6 Juillet environ 150 personnes ont participé  aux animations
proposées par le Club histoire Mémoire et Patrimoine de La Tour Blanche
et des environs.
Dans ce cadre les trois groupes qui se sont succédé pendant cette
journée ont assisté à une conférence d'environ 25 minutes  écrite par
Emmanuel du Chazaud et présentée par Gabriel Duverneuil sur "Pierre de
Bourdeille dit Brantôme et La Tour Blanche aux années de la Renaissance"
C'est ce texte, qui fût distribué aux participants, que vous trouverez
ci-après avec quelques photos supplémentaires.
Un grand merci à tous ceux qui ont contribué au succès de cette journée.
Gabriel Duverneuil   "
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Gabriel Duverneuil 11 rue de la Porte Latine 24320 La Tour Blanche
0553906341

                 Pierre de Bourdeilles dit BRANTOME
                        et LA TOUR BLANCHE

                                            aux années de la Renaissance.
   A l’occasion du quadri centenaire de sa mort (15 juillet 1614)


                  La Tour Blanche et Pierre de Bourdeilles seigneur de Brantôme 

Aux cotés de célèbres localités voisines,  Bourdeilles,   Brantôme,  Richemont … le village de La Tour Blanche est l’un des hauts lieux de la saga de Pierre de Bourdeilles dit Brantôme ; un lieu dont sa famille porte le titre de seigneur puis de baron depuis 1359 ; un lieu qui lui a été très cher et où il vint se reposer des fatigues de la guerre ; un lieu dont il a parlé en plusieurs passages de ses mémoires :
Lorsqu’il  évoque le mariage en 1518 de son père François, Sénéchal du Périgord avec Anne de Vivonne, « fort honneste et sage damoiselle d'une des bonnes et riches maisons de Guienne » il fait défiler de picaresques tableaux devant nos yeux :
« Ces noces, écrit-il, furent fort somptueuses et magnifiques, et bien fort aussi les amenances, qui se firent à La Tour-Blanche et à Bourdeille, car, ainsy que j'ay ouy dire à ma tante de Grézignat, allèrent au-devant de la mariée jusqu'aux portes d'Angoulême trois cens gentilhommes en deux bandes ; l'une menée par M. de Bourdeille, et l'autre par M. de Grézignat, son frère. Ceux de
M.de Bourdeille estoient vestus de grandes casaques de velours cramoisy à l'albanoise et les chevaux bardés de mesme; ceux de M. deGrézignat, de velours jaune, parce que c'estoient les couleurs de la mariée, jaune et rouge, le tout pourtant aux dépens de mon père. La mariée estoit montée sur une hacquenée blanche, harnachée de velours cramoisy et argent fort superbement ; et la faisoit très beau voir à cheval..., et six damoiselles après elle, toutes montées sur hacquenées que mon père avoit données, avecques harnois de velours noir. Elle avoit aussi trois pages, dont un de la maison de Lammary, parent de la maison de Bourdeille], qui estoient vestus de velours rouge pourpre, doublé de blanc, avecques des bandes de velours noir bordé d'argent, parce que c'estoient les couleurs de la maison de Bourdeille : blanc, rouge et noir. Bref, le convoy de ces nopces fut des plus pompeux et superbes qu'on avoit veu il y avoitlongtemp en maison de Guienne » Brantôme rappelait ensuite son séjour, « estant fort petit garçon », à la Feuillade, photo n°1, maison de plaisance dépendant de La Tour-Blanche. Il est d’ailleurs frappant de voir la similitude d’écriture architecturale entre les tours de La Feuillade et celle de Richemont photo n°2 et tentant se supposer que les mêmes constructeurs ou architectes y ont oeuvré.
Il relate plus loin la contestation féodale que la châtellenie de La Tour Blanche suscita à François de Bourdeilles, son père, « et la sentence par défaut rendue sur la poursuite des gens du Roi au siège d'Angoulême, prononçant saisie de la terre, faute de service dans l'arrière-ban, et la belle résolution qui porta feu le baron de Bourdeille à désavouer son procureur, parce qu'en exécution de ladite sentence, il avoit présenté un homme d'armes, et à comparoitre en personne pour offrir un simple archer, suivant le devoir de son fief ».
On apprend ensuite que Brantôme fut en procès avec son neveu Henri de Bourdeilles, issu du mariage du sénéchal, André, son frère, avec Jacquette de Montbron. Ils finirent par transiger « Je me contentai seulement, dit le chroniqueur, de la jouyssance de La Tour-Blanche, à mon regret pourtant. » Il se plaignait amèrement de son neveu, dont il raconte encore le trait suivant :
« Un jour, estant à La Tour-Blanche, dans la sale, il dit tout haut, devant force gentilhommes et autres, sur le subject qu'il n'avoit obligation à homme au monde qu'au sieur de Marouatte, qui lui avoit faict avoir la résignation à M. de Périgueux de son evesché,(il s’agit de François de Bourdeilles, cousin germain de Brantome, qui fut évêque de Périgueux de 1578 à 1600) pour l'y avoir poussé et persuadé, dont je cuydoy partir de collère contre lui ; mais je me commanday et m'arrestay de peur d'escandale, lequel mondict evesque j'avois faict et créé tel par la nomination et brevet du Roy. Car ce fut moy qui la luy demanday pour mon frère et pour moi, ayant veu ledict évesque un chétif petit moyne de Sainct-Denys, et l'avoir ainsi créé tel contre l'opinion de Mme de Dampierre, ma tante, qui ne le vouloit, en me disant plusieurs fois que j'en maudiray l'heure de le colloquer en si haut lieu « ce vilain moyne », usant de ces propres mots, et que son père avoit foict souvent pleurer ma mère. Croyez que ceste honneste dame prophétisa bien ce coup, car il fut aussy ingrat en mon endroict que son cousin, ledict M. le vicomte, que ceste fois m'alla payer de ceste sorte, pour n'avoir obligation qu'au sieur de Marouatte, nullement, certes, comparable à moy en obligation ny en valeur et mérite, pour n'avoir esté jamais autre qu'un amasseur de deniers, et que j'ay veu parmy les bonnes compaigniesqu'on nommoit que Petit brodequin, nom à luy donné par MM. de Coutures et La Borie Saunier...»
Vers 1613, Brantôme, faisant son testament, n'oublia point de laisser un souvenir à ceux de La Tour-Blanche dont il avait employé les services : « Je lègue à tous mes serviteurs et servantes, demeurant tant à La Tour-Blanche, Richemond que Brantôme, qui se trouveront lors de mon trépas, la somme de 550 livres une fois payée »;
Brantome qui était usufruitier de La Tour Blanche y avait beaucoup résidé, et même encore après son installation à Richemont.
Brantome et la famille de Bourdeilles firent d’ailleurs d’importants travaux dans leur château de La Tour Blanche et les deux ailes Nord et Ouest, quoique laissées bien insérées dans leurs tours du 14ème siècle, furent quasiment reconstruites dans le gout italianisant de la Renaissance. Ces ailes furent en parties démolies lorsque l’arrêté de démolition pris en 1793 par le conventionnel Lakanal reçut un commencement d’exécution qui  fut heureusement interrompu par les évènements, ce qui épargna le donjon, l’aile Sud et l’une des 4 tours photo n°3 . Une fenêtre de l’aile Nord, devenue simple grange, garde un chambranle  à crossette sculpté de fines rosace qui témoignent de l’opulence et du raffinement de ces travaux.
Albert Dujarric-Descombes souligne d’ailleurs (en 1908) que le château de La Tour Blanche était en état de recevoir un hôte royal et sa suite puisqu’en 1544 vint y séjourner Henri d’Albret, roi de Navarre, époux de la sœur de François 1er et grand-père d’Henri IV.
Il faut noter que La Tour Blanche est alors la résidence principale de la famille de Bourdeilles ; le château de Bourdeilles n’est en effet qu’une très austère forteresse médiévale quasi inhabitable et que logis Renaissance qui permettra leur réinstallation ne sera édifié qu’à l’extrême fin du 16ème siècle.
Jean Bertaud
A la même époque faisons connaissance avec un  proche et un  conseiller éclairé de François de Bourdeilles et de son fils André, frère de Brantome : l’humaniste Jean Bertaud, seigneur de Pouzols et des Hélies, né à La Tour Blanche en 1502 et que l’historien Albert Dujarric-Descombes nous présente comme « un des plus distingués enfants de La Tour-Blanche. Dès l'âge de 19 ans, après avoir obtenu le grade de licencié en droit, celui-ci avait été pourvu de l'office de sénéchal de la châtellenie de La Tour Blanche. Il professa dans la suite la littérature à Paris et le droit à Toulouse. Il doit figurer avec honneur parmi les érudits bibliophiles de la première moitié du XVIe siècle. Il est principalement connu par son « Encomium de cultu trium Mariarum », livre si recherché pour ses gravures sur bois ; la découverte, signalée par moi en 1900, de son ex-libris photo n°8 , où il avait fait graver l'image de Saint-Jean-l'Evangéliste, son patron, a donné à son nom un regain de célébrité. »
Notons que Jean Bertaud  professa le droit à Toulouse à l’époque ou il semble que  Montaigne y étudia cette discipline, ce qui laisse penser qu’il en fut le professeur.
Jean Bertaud fit construire son manoir des Hélies à Bourdeilles photo n°4 selon une architecture qui évoque de façon intéressante notre manoir de Nanchapt  photo n°5 .
Terminons notre évocation au sujet de ce dernier.


La manoir ou  « hostel » de Nanchapt
Cette demeure, dans l’état où elle nous est parvenue, date en grande partie du début du 17ème siècle et appartenait alors à Louis Mérigat, seigneur de Beaulieu, gendarme de la garde du Roi et l’un des 100 gentilshommes de sa Maison, ainsi qu’à son épouse Jeanne Carrier.
Sybille Mérigat, leur fille se marie en 1636 à la Tour Blanche avec Bernard d’Abzac de Ladouze, baron de Montanceix, qui appartient comme les Bourdeilles, à l’une des plus grandes familles du Périgord. Notons que les alliances ne se font pas au hasard : l’arrière grand-père du marié Pierre d’Abzac était déjà venu prendre épouse en août 1526, au château de La Tour Blanche avec Jeanne de Bourdeilles, sœur du père de Brantôme.
 La demeure de Nanchapt, qui ne porte pas encore ce nom passe à leur fils Jean d’Abzac de Ladouze, qui la vend en 1673 à un de ses parents maternel : Jean Carrier, seigneur de Nancré en Gâtinais. Sa fille Marie Carrier de Nancré qui a épousé en 1663 un voisin Henry Grand de Teinteillac, sieur du Pouzet  originaire du château de Teinteillac (commune de Bourg des Maisons), va hériter de la demeure. Ainsi s’explique l’arrivée à La Tour Blanche de cette branche qui va prendre le nom usuel de Grand de Luxolière de Nanchapt. Nanchapt a fini au 18ème siècle par donner son nom à la demeure.
Cette branche s’éteignit au milieu du 19ème siècle. M. Grand de Luxolière de Nanchapt n’eut pas de descendance.
La plus vieille appellation connue est celle de « maison du Marché Dieu », en rapport avec la place du même nom qui est à proximité immédiate, où se tenaient les foires et marchés. En 1896, l’historien Albert Dujarric-Descombes utilise toujours cette dénomination alternativement avec celle d’hôtel de Nanchapt, tandis que son confrère à la Société Historique, dans un même article, parle de « maison noble ou manoir de Nanchapt ».

C’est non pas « dans la ville » mais dans ce que l’on appelait  alors les faubourgs de La Tour Blanche, c’est-à-dire dans une extension urbaine à l’extérieur des remparts de la ville, que fut implantée la demeure. Ce type d’implantation était ancien puisque à proximité immédiate, au Nord, se trouve une petite maison à arcature datable du 13ème siècle.
La jonction du logis Est sur la tour indique clairement que la construction de la tour est antérieure à celle du logis.


Premier logis :
Le logis Est fut bâti en premier, dans une manière qui évoque tout à fait le Style Flamboyant du 15ème siècle, mais qui dans le contexte local semble plutôt devoir être rapporté à la 1ère moitié du 16ème .  Cet esprit médiéval est encore non seulement celui du parti en plan - avec 2 logis principaux à murs pignons latéraux s’articulant en équerre sur une tour d’escalier intérieurement circulaire et extérieurement polygonale - mais aussi celui des détails architecturaux encore sous l’influence de la gouaille gothique. Hautes lucarnes à fronton en pinacle couronnées de sculptures truculentes, animaux domestiques, personnages à califourchon, percées de généreuses croisées de meneaux, avec leurs appuis à angles très ouverts, porte d’entrée couronnée d’une accolade curieusement guindée (ce qui traduit sans doute sa réalisation tardive…)
Deuxième logis :
L’aile Nord, celle de la galerie, était manifestement prévue dès la construction du logis Est ; c’est du moins une déduction logique à tirer de la position de la tour d’escalier.
Cette aile Nord a-t-elle été effectivement réalisée et détruite ou gravement endommagée ? L’hypothèse d’un avatar lié au siège de La Tour Blanche et au sac de la ville en 1569 peut être évoqué… De nombreuses traces de canonnades grêlent l’édifice, mais leur présence sur l’aile la plus récente prouve leur date postérieure et doit les rapporter aux troubles de la Fronde en 1651, qui furent brefs mais violents à La Tour Blanche.
Toujours est-il que des traces de suture et de reprise de maçonnerie sont très nettement lisibles sur les soubassements de la façade Nord du logis Nord. Cette aile Nord est assez caractéristique du style déjà classique de l’extrême fin de la Renaissance, encore très attachée aux baies à meneaux et traverses mais déclinant déjà tout le vocabulaire de moulure hérité de la tradition gréco-romaine.
L’identité de volumétrie est aussi frappante entre les 2 logis que leur différence de manière : si l’aile Est est toute sobre, formée d’un simple rectangle, mais agrémentée de détails traités avec l’humour du moyen-âge du Moyen-âge photos n° 6 et 7 ,  l’aile Nord est au contraire décorée selon un vocabulaire assez retenu, presque rigide, mais la volumétrie est agrémentée de nombreuses et souriantes variations :
-    à l’angle Sud-ouest, complétant le plan en L pour initier un pas vers un plan en quadrilatère, est lancé une petite aile plus basse et presque miniature en terme de proportions : la chapelle.
-    Le long de la façade Sud est accolée cette élégante et charmante galerie couverte constituée de 3 arcades en segment d’arc de cercle reposant sur des piliers circulaires que nous admirons.
-    A l’angle Nord-Est vient se développer une frêle tourelle couverte en pavillon, aux niveaux marqués de manière déjà classique par de simples bandeaux plats.

Evoquons la petite énigme que représente pour le visiteur la cavité visible au milieu du versant Sud de la toiture, à la hauteur du faitage. Interrogez un passant et, à condition qu’il soit autochtone, il vous apprendra qu’il s’agit de la cheminée d’aération et de l’unique et bien faible source de lumière des oubliettes où le seigneur du lieu enfermait ses sujets… Ce mythe fut même enseigné un temps à l’école locale dans les années 1950. La présence de la fosse d’aisance et des WC à chaque niveau suffit à nous renseigner de façon plus pragmatique sur la nature originelle exacte du dispositif. A la fin du règne d’Henri IV, Mr Mérigat de Beaulieu, qui avait un sens aigu du confort, afin de canaliser vers les hauteurs les fumets produits par ces lieux particuliers dits « d’aisance », que l’on appelait plus simplement autrefois « les lieux », et d’éviter que leur pestilence ne se répande dans la demeure entière (grave problème dont la solution était souvent le bout du jardin, mais il fallait accepter en ce cas la distance à parcourir),  avait fait aménager cette sortie de toiture. La trace d’un ancien toit intérieur partiel indique bien qu’une partie de la colonne était occupée par les latrines à chaque niveau, le restant constituant la cheminée d’aération sur toute la hauteur du bâtiment. Ce dispositif encore observable dans ses détails d’origine constitue un témoignage archéologique rarissime.

Ainsi se termine cette évocation de la Renaissance à La Tour Blanche, avec l’humaniste Brantôme comme fil conducteur. Nous espérons que cela vous donnera envie d’aller voir de plus prés tous ces lieux, visibles depuis la voie publique, La Feuillade, les Hélies ou ouverts au public, les châteaux de Bourdeilles et Richemont.


Emmanuel du Chazaud

photo n° 2 Château de Richememont

 6 Le manoir de Nanchapt              
7  Le manoir de Nanchapt

        Photos n° 6 et 7


                                     Photo n°5   Le manoir de Nanchapt

photo n° 8 L'ex libris de Jean Bertaud serait le plus ancien ex libris connu

     Photo n° 4  Le manoir des Hélies construit au 16éme siècle par Jean Bertaud

               Photo n° 1      Le manoir de la Feuillade commune de Cherval

Photo n°3    Château de la Tour Blanche


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