Compte Rendu de la conférence du Club Histoire de La Tour Blanche du 20 juin 2016



Alsaciens et Mosellans en Dordogne
Pendant la 2ème guerre mondiale


Les évacuations de septembre 1939, l’exode de juin 1940, puis les expulsions de novembre 1940 ont conduit de très nombreux Alsaciens et Mosellans à se fixer en Dordogne durant toute la seconde guerre mondiale. Après quelques difficultés d’adaptation, ils furent très actifs dans la vie locale puis dans les maquis. Ils ont tissé des liens forts avec le Périgord qui perdurent aujourd’hui.
Catherine et François Schunck l’ont expliqué avec brio lors d’une très intéressante conférence du Club Histoire qui a réuni 75 personnes le 20 juin 2016 à La Tour Blanche.


L’arrivée des Alsaciens et Mosellans en Périgord résultent de trois évènements :
Septembre 1939 : les autorités françaises décident d’évacuer vers huit départements du Sud-Ouest les populations habitant le long de la ligne Maginot, d’une part pour les protéger, d’autre part pour faciliter les mouvements de troupe. 100 000 personnes arrivent en Dordogne (qui en compte 360 000 à l’époque), et notamment à Périgueux et dans le Nord de la Dordogne. Il s’agit surtout de Strasbourgeois et d’habitants de 19 communes alentour, peu familiarisés avec la ruralité, et disposant pour la plupart d’un niveau de vie nettement supérieur à celui des Périgourdins. Il faut résoudre dans l’urgence les problèmes de la langue (beaucoup ne parlent qu’alsacien ou allemand), de la nourriture différente en Alsace et en Dordogne, et du logement. Le choc est parfois rude. Mais au bout de deux mois, la plupart des problèmes sont résolus. Des boutiques alsaciennes sont créées à Périgueux, en particulier dans l’alimentation. Quelques grandes administrations des régions évacuées et la Mairie de Strasbourg s’installent dans différents bâtiments de Périgueux et des communes accueillantes.

Juin 1940 : l’exode des populations du Nord et la débâcle de l’armée française, provoquées par le contournement de la Ligne Maginot par les Allemands, amènent 300 000 réfugiés supplémentaires en Dordogne (doublement de sa population). Il faut à nouveau s’organiser pour nourrir et loger tous ces arrivants. La signature de l’armistice va entrainer le retour d’une partie des évacués et réfugiés (environ 85%) à partir de juillet 1940. Les Strasbourgeois retrouvent leur ville entièrement germanisée.

Novembre 1940 : suite à la création de deux zones dont plusieurs sous-zones dans l’Est et le Nord, 100 000 Lorrains Mosellans sont expulsés de leur territoire parce qu’ils ne parlent pas allemand. 8 000 d’entre eux arrivent en Périgord.

Une partie de la Dordogne est en zone occupée, avec de part et d’autre de la ligne de démarcation, des postes-frontières allemands et français. La vie s’organise suivant ces nouvelles contraintes. Des Alsaciens et Mosellans tiennent les postes-frontières français car ils peuvent plus facilement communiquer avec les Allemands. Ils s’impliquent par ailleurs fortement dans la vie locale, avec des personnalités importantes comme Charles Altorffer, directeur des cultes, Marcel-Édmond Naegelen, qui remplace le Maire de Strasbourg resté en Alsace jusqu’à l’armistice, Charles Frey, Maire de Strasbourg et Charles Ruch, évêque de Strasbourg à partir de juin 1940, et de nombreux professeurs, docteurs, infirmiers, aides-soignants des Hospices de Strasbourg qui vont créer un hôpital des réfugiés à Clairvivre.

Après le retour d’une partie des évacués et personnes déplacées, il reste en Dordogne environ 45 000 réfugiés dont 15 000 Alsaciens et Mosellans, la moitié d’entre eux étant juifs. Ces derniers vont être de plus en plus impactés par les mesures anti-juives : interdiction d’accès à des fonctions publiques, recensement nominatif, perte de leurs commerces suite à l’aryanisation de ces activités, vente de leurs biens aux enchères publiques, rafles conduisant 242 juifs du Périgord à Auschwitz.

D’autres évènements vont mobiliser les Alsaciens et Mosellans de Dordogne : en Alsace, incorporation des jeunes dans l’armée allemande ; en zone libre, création du STO par Laval ; en novembre 1942, débarquement des Alliés en Afrique du Nord et suppression de la zone libre : cela conduit à l’installation des Allemands à Périgueux avec la Gestapo, la Feldgendarmerie, la phalange Nord-Africaine de sinistre mémoire. Tous ces évènements vont pousser les jeunes Alsaciens à rejoindre les maquis dont certains vont être structurés par des personnalités alsaciennes comme Paul Dungler, Marcel Kibler, Pierre Bocquel, Bernard Metz, Gustave Houver. Il en ressortira notamment la fameuse Brigade Alsace-Lorraine qui, à la fin de la guerre, contribuera à repousser la contre-attaque allemande en Alsace.
Il faut toutefois signaler certains Alsaciens et Mosellans collaborateurs, dont le Lorrain François Colin qui eut un rôle très néfaste à Périgueux.

Les Alsaciens et Mosellans participent à la libération de la Dordogne en payant un lourd tribut (Quelques-uns font partie des 45 fusillés de Périgueux lors du départ des Allemands). D’autres ont vécu des moments difficiles au moment de l’épuration comme Auguste Bicking, restaurateur, qui devra démontrer son rôle dans la Résistance pour être libéré.

Les liens tissés pendant la guerre ont abouti au jumelage de plusieurs communes alsaciennes, lorraines, et périgourdines. Ils restent très forts encore aujourd’hui.


Catherine et François Schunck





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