Compte rendu de la Conférence du 28 mai 2018 par Monsieur Christian Gensbeitel consacrée aux monuments de l’art roman en Aquitaine, devant environ 80 auditeurs attentifs.

Après avoir dit sa satisfaction de se trouver de nouveau invité par le Club histoire à La Tour Blanche, devant l’étendue du sujet dans le temps et l’espace, notre conférencier indique qu’il s’est obligé à une sorte d’inventaire à la Prévert.
L’espace de sa recherche, l’Aquitaine des XIème et XIIème siècles, correspond à peu près à celui de la Nouvelle Aquitaine d’aujourd’hui. Trois grands archevêchés: Auch, Bordeaux et Bourges couvrent cette région ainsi que de multiples évêchés dont Limoges et Poitiers. La tradition architecturale et culturelle de la région est l’héritière de l’Antiquité tardive et il demeure quelques restes de constructions remarquables du Haut Moyen-Âge, entre le Vème et le Xème siècle, période qui, contrairement aux idées reçues a été prolifique ; le baptistère Saint Jean de Poitiers en est un exemple exceptionnel.
Notre conférencier émaille son exposé de nombreuses photos illustrant ses propos, qu’il est naturellement impossible de commenter ici.
Le premier grand monument d’art roman de notre région était à Limoges et ce sont des fouilles archéologiques qui en ont mis au jour son vaste chevet : il s’agit de l’abbatiale Saint-Martial, dont le début de construction est datée de 1018. Son principe, qu’on retrouve ensuite souvent reproduit dans notre région, est le déambulatoire circulaire autour de l’abside et des chapelles rayonnantes. On trouve le même principe de construction en Poitou, où l’on a beaucoup innové dans le second quart du XIe siècle. L’apparition de la sculpture est une autre caractéristique de l’art roman de notre région avec des thèmes animaliers, végétaux ou bibliques. Apparaissent également les nefs voûtées, souvent à trois vaisseaux dans les grands monuments du Poitou et du Limousin, les voûtes latérales étant presqu’aussi hautes que celles du vaisseau principal afin d’en absorber les poussées.
On se rend compte aujourd’hui que les relations entre peintures et sculptures étaient plus complexes qu’on l’a cru jusque-là au point qu’il arrivait, pour éviter de sculpter un chapiteau, qu’on y peigne un trompe-l’œil comme, entre autres, à Saint-Hilaire de Poitiers. Il faut noter que cet art de la sculpture se répand avec les sculpteurs essaimant de chantier en chantier et qu’il correspond à un nouveau besoin dans la façon d’envisager le lieu de culte chrétien.
L’abbaye aux Dames de Saintes présente une église datant du milieu du XIème siècle dont le plan a été dressé grâce aux fouilles effectuées dans les années trente. Elle est un exemple de monument de cette époque au sud du Poitou. Il ne reste que quelques traces de l’église d’origine suite à de nombreux remaniements au cours de l’Histoire.
La réforme grégorienne, qui amorce l’organisation hiérarchique de l’Eglise catholique, a joué un rôle important dans les nombreux chantiers qui devaient développer dans toute la région à partir du dernier tiers du XIe siècle.
Après avoir énuméré et montré des images des nombreuses constructions monumentales de cette fin du XIème siècle en Aquitaine, Christian Gensbeitel indique que la fin de ce siècle marque aussi la fin des constructions de chevets avec déambulatoire et chapelles rayonnantes.
En effet, avec Parthenay-le-Vieux et le début du XIIème siècle se tourne une page : on trouve des façades à arcatures, souvent triples, des chevets à simples absides précédées d’une travée droite et on retrouve des chapiteaux sculptés.
C’est à cette époque que le Périgord introduit une nouvelle forme de voûtement d’église en reprenant le principe de la nef à vaisseau unique, courant dans la région, mais en la couvrant d’une file de coupoles. Ce principe fut expérimenté vers 1100, sur le chantier de la cathédrale Saint-Etienne-de-la-Cité à Périgueux, malheureusement très mutilée par les guerres de Religion. L’idée de ces coupoles est orientale, byzantine. Elle fit école dans la région, car l’exemple le plus au nord est à Fontevrault alors dans le diocèse de Poitiers, toutes les autres sont au sud comme la cathédrale d’Angoulême qui, également, possède la plus grande façade sculptée romane en Europe, mais aussi Moissac, Cahors, etc... Ces files de coupoles, c’est le Périgord ! Saint Front de Périgueux pose problème à cause d’Abadie et de son remaniement ; seule la tour est à peu près d’origine et elle est la plus extraordinaire de l’Europe romane. Dans le domaine du décor, dans le sud de l’Aquitaine, on peut trouver des sols de mosaïque (Lescar, Sorde). Enfin, ce qui caractérise le plus l’architecture des églises romanes d’Aquitaine, ce sont les façades à arcatures, les voussures sculptées, souvent l’absence de tympan et les couleurs des sculptures découvertes récemment grâce au nettoyage au laser. L’abondance, voire l’excès de sculptures indique à la fois l’apogée de l’art roman et son crépuscule. Il y aura néanmoins une résistance à cet envahissement et une tendance à une simplicité presqu’austère à une époque où l’art gothique se développe au nord de la France.
Puis, après des applaudissements nourris, Monsieur Gensbeitel répond à de nombreuses questions du public.
André Vigne
Vu par le conférencier



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