Antoine de Sartine par André Vigne


Antoine de Sartine






Antoine Raymond Juan Gualbert Gabriel de Sartine, comte d’Alby est né le 12 juillet 1729 à Barcelone, émigré, il est décédé le 7 septembre 1801 à Tarragone.
Son père, Antoine Sartine ou Sardine, bourgeois de Lyon, fils d'épicier devenu financier, est établi en Espagne au début du XVIIIe siècle où il jouit des faveurs de Philippe V.

Chargé du ravitaillement des troupes françaises pendant la Guerre de Succession d'Espagne, il en vient à siéger au conseil des finances du roi, qui lui accorde le titre de chevalier. Il est nommé intendant en Catalogne. Il prend pour épouse Catherine White, comtesse d'Alby, dame d'honneur de la reine d'Espagne, fille de Ignatius White, secrétaire d'État pour le royaume d'Irlande.
Antoine obtient des lettres de nationalité en 1752, achète la charge de lieutenant criminel au Châtelet la même année, il est anobli en 1755, et épouse, en 1759, Marie-Anne Hardy du Plessis.
Après cela, bien en cour auprès de Louis XV, il est nommé successivement aux offices de lieutenant général de police (du 22 novembre 1759 au mois de mai 1774), de maître des requêtes (9 décembre 1759), et quelques années plus tard de directeur de la Librairie (1763–1774). En 1767, il est nommé conseiller d'État.
Lieutenant général de police, il s'attache à améliorer les services de la capitale, notamment ceux de l'approvisionnement (il active la construction de la halle au blé), de l'éclairage, il fait installer des lanternes à réverbère qui contribuent à améliorer la sécurité publique, et substitue également aux tripots clandestins des maisons de jeu surveillées par ses agents et taxées au profit du fisc. Excellent administrateur, habile politique, Sartine se préoccupe aussi des problèmes d’hygiène, d’approvisionnement et de police en général durant sa lieutenance.
Les libelles fleurissent. Au mois de juillet 1773, Théveneau de Morande(1) qui est devenu une des « créatures » du clan Choiseul s’attaque alors à la favorite royale, Madame du Barry : Choiseul bien qu’en disgrâce continue le combat…
Sartine s’en agace et fait perquisitionner les libraires pour connaître l’éditeur.
Finalement Théveneau est localisé à Londres, son arrestation échoue, c’est Beaumarchais qui sera envoyé début 1774 pour négocier avec le libelliste.
Des libelles lui prêtent des manœuvres occultes, l'accusant d'avoir entretenu un « cabinet noir » ; nombres d'ouvrages révolutionnaires devaient lui supposer un réseau d'informateurs dans la capitale.
Mais, pour Pierre Manuel(2) : « lorsque le libertin de Sartine poursuivait les citoyens jusque sous leurs toits tutélaires qu’il épiait même les secrets honteux de leurs nuits, ce n'était que pour égayer un roi, plus libertin encore, de toutes les nudités du vice ; c'était pour fournir à son maître des exemples et des excuses, comme si son autorité et sa conscience en avaient eu besoin ! »
Détesté pour son usage « arbitraire » des lettres de cachet, stigmatisé par les libellistes, inquiété lors des événements de 1789, il émigre dès 1790 en Espagne où il meurt en 1801 sans revoir la France. Il évite ainsi le sort de son fils,
Charles-Louis-Antoine de Sartine, et de sa bru, qui restés, à Paris en dépit de ses objurgations, seront guillotinés au procès des chemises rouges, le 29 prairial an II (17 juin 1794).
                                                 
Lettre de cachet
signée : de Sartine (1759)


Le secrétaire d'État à la Marine

En 1774, Louis XVI écrit de Compiègne une lettre par laquelle il annonce la nomination de deux nouveaux ministres, Turgot et Sartine. Le souverain ajoute : « Je voudrais pouvoir récompenser ainsi tous les grands talents qui honorent leur siècle en contribuant à la civilisation et au bien-être des peuples. »Proche du « parti Choiseul », Sartine accède au secrétariat d’État à la Marine en août 1774, place qu'il occupe jusqu'en octobre 1780. Il tente alors de rationaliser l'administration de la Marine. Ainsi, il s'intéresse de près aux fonderies en créant en particulier celle de l'Indret. Il confie au chevalier de Fleurieu la direction des ports et des arsenaux royaux. Sartine entreprend là aussi de grandes réformes mises au point par sept ordonnances en 1776. La haute main sur la Marine est donnée aux officiers au détriment des administrateurs civils. Les constructions navales sont activement poussées.

Enfin, la qualité du corps des officiers, recrutés surtout dans la noblesse (comme Charles Louis du Couëdic(3) et ses trois neveux par exemple), est même considérablement améliorée. Cette politique devait porter ses fruits lors de la guerre d'indépendance américaine dans laquelle il mit à profit son expérience du renseignement acquise dans la Police. Les historiens évoquent une « phase de Sartine » qui aurait précédé une « phase Castries(4) » dans la chronologie des opérations militaires.

Sartine fait preuve de modernisme, il décide de faire doubler de cuivre l’escadre de Charles de Ternay(5), ce qui protège les coques et améliore la vitesse des navires. Il ne sait pourtant pas endiguer le gaspillage de ses officiers. En 1780, accusé par Necker de détournement dans les caisses de l'État — on parle d'une somme de vingt millions —, il est disgracié le 14 août de la même année par Maurepas.

En fait, Sartine a été un ministre honnête mais qui a laissé déraper les dépenses de guerre et a émis des emprunts au profit de la Marine sans en informer le ministre des finances et le roi. Louis XVI lui accorde néanmoins une gratification de 150 000 livres et une pension de 70 000 livres.



(1) Charles Théveneau, (dit) de Morande ou chevalier de Morande, né le 9 novembre 1741 à Arnay-le-Duc où il est mort le 6 juillet 1805, est un libelliste, espion et polémiste français. Son parcours est représentatif de celui d'un « aventurier des Lumières » ou d'un « Rousseau des ruisseaux » : de l'armée il passe à la littérature clandestine, puis à l'espionnage et enfin au journalisme. « Mandrin littéraire », folliculaire, il se fait connaître par son activité de maître chanteur et par le succès considérable de son libelle clandestin, Le Gazetier Cuirassé. Il est par la suite, après avoir mis à contribution la cour de Louis XV, retourné par le gouvernement français, dont il devient l'un des informateurs en Angleterre. Il joue un rôle dans la pré-révolution française comme rédacteur puis directeur du Courier de l'Europe avant de regagner Paris lors de la Révolution, où il poursuit son activité de gazetier.



(2) Pierre-Louis Manuel, né le 1er juillet 1751 à Montargis et mort guillotiné le 14 novembre 1793 à Paris est un intellectuel français de l'Ancien Régime et un homme politique de la Révolution.



(3) Charles Louis du Couëdic de Kergoualer, né le 17 juillet 1740 au château de Kerguélénen, paroisse de Pouldergat près de Douarnenez en Bretagne et mort le 7 janvier 1780 à Brest des suites de ses blessures, est un officier de marine français du XVIIIe siècle. Engagé jeune dans la Marine royale au début de la guerre de Sept Ans, il participe à la défense de Louisbourg en Nouvelle-France, en 1757 et à la bataille des Cardinaux. En 1763, la paix revenue avec la signature du Traité de Paris, il s'engage comme volontaire dans une expédition à destination des Indes, puis en 1773 dans une seconde expédition, commandée par Yves de Kerguelen. Il est célèbre pour le combat acharné qu'il livre, le 6 octobre 1779, à bord de la frégate La Surveillante contre la frégate anglaise HMS Quebec pendant la guerre d'indépendance des États-Unis.



(4) Charles Eugène Gabriel de La Croix, marquis de Castries, baron des États de Languedoc, comte de Charlus, baron de Castelnau et de Montjouvent, seigneur de Puylaurens et de Lézignan, est un maréchal de France né à Paris le 25 février 1727 et mort à Wolfenbüttel le 11 janvier 1801. Il est nommé secrétaire d'État à la Marine le 13 octobre 1780 sur la recommandation de son ami Jacques Necker. Il reste en poste jusqu'au 24 août 1787. En 1783, il est élevé à la dignité de maréchal de France. Son action se déploie sur plusieurs fronts : tout d'abord, dans le cadre de la Guerre d'indépendance des États-Unis, il réorganise la flotte et fait adopter par le Conseil la nouvelle stratégie maritime qui conduit au succès durant la guerre ; les vaisseaux sont redéployés pour tenir compte de la mondialisation du conflit et les escadres sont confiées à de nouveaux chefs plus offensifs, comme de Grasse. Ces choix contribuent en partie à la victoire franco-américaine de 1781.



(5) Charles-Henri-Louis d'Arsac de Ternay, dit le « chevalier de Ternay », né le 27 janvier 1723 à Angers et mort le 15 ou 19 décembre 1780 à l'âge de 57 ans, à Newport sur le navire amiral Duc-de-Bourgogne, victime d'une épidémie de fièvre putride (typhoïde), est un officier de marine français. Il se distingue lors de la guerre de Sept Ans et la guerre d'indépendance des États-Unis. Il termine sa carrière avec le grade de chef d'escadre des armées navales, sous le règne de Louis XVI.
Comme beaucoup de fils cadets de familles noble, le jeune Charles-Henri est destiné à entrer dans les ordres ou à suivre une carrière militaire. Le 12 décembre 1737, il est présenté de minorité dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, il est page du grand maître à l'âge de 14 ans. Il quitte l'Ordre, un an plus tard, pour entrer, le 30 octobre 1738, dans la Marine royale et intègre une compagnie de gardes de la Marine au département de Toulon. Il servira toute sa vie dans ce corps, gravissant les échelons un à un, jusqu'au grade de capitaine de vaisseau en 1761.
Avec seulement huit vaisseaux de ligne, deux frégates et huit galiotes à bombes, il ne peut rien faire, une fois arrivé à Newport, face à une flotte britannique qui comptait treize vaisseaux de ligne de plus que la sienne et qui n'eut aucun mal à le bloquer. Cependant, il s'établit dans la place avec Rochambeau et son escadre y passe l'hiver sans que les Anglais puissent les en déloger. Il participe en septembre 1780, à Hartford (Connecticut) à la première rencontre du général Washington avec ses nouveaux alliés, en qualité de commandant des forces navales françaises et en compagnie du comte de Rochambeau, puis s'occupe de fortifier la ville. C'est à bord du Duc de Bourgogne, dans la rade de Newport dans l'état du Rhode Island, victime de la fièvre putride, qu'il décède en 1780 après huit jours de maladie. Il est remplacé par le chef d'escadre Destouches, en attendant l'arrivée de Barras de Saint-Laurent en mai 1781.




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