VIe-VIIe siècles les peuples Germaniques protagonistes dans l’histoire
Alessandro Testa
7 octobre 2024
Le conférencier organise son
propos autour de concepts qui se déclinent en cycles historiques qui se
renouvellent
En 476 après J.C, alors qu’il n’y
a plus d’élection d’Empereur, l’empire romain d’occident s’écroule. Dans
l’historiographie traditionnelle jusqu’à une cinquantaine d’années, les deux
siècles suivants ont toujours été présentés comme une période sombre, peu
documentée, peu étudiée et dans laquelle rien ne se passait.
Grâce aux travaux précurseurs de Karl Bosl (1908/1993) et
d’autres historiens qui l’ont suivi, cette période a été réévaluée et de nos
jours nous comprenons que dans le cours du 6ème et 7ème siècles, nous sommes
dans un moment de basculement qui entraînera de nombreux développements qui
arriveront à former l’idée de Europe et de sa civilisation.
Pendant la deuxième partie du 5ème siècle, sur les
territoires de l’empire Romain déchu, nous trouvons une ‘’mosaïque’’ de royaumes
‘’Romano-Germaniques’’: le royaume des Wisigoths en Aquitaine, celui de
Burgondes qui laissera le nom à la Bourgogne, les Alamands plus à l’Est et le
royaume des Francs au nord de la Loire.
Dans les sources romaines on entend parler des Francs (Franken
signifie téméraires courageux) avec Jules César au 1er siècle avant
J.C et cette collectivité fait partie intégrante d’une sorte de ‘’galaxie
Germanique’’ qui peuple l’Europe du nord depuis plusieurs siècles.
Depuis l’est du Rhin, où ce peuple s’était installé, de
nombreux guerriers Francs finissent par rejoindre les rangs de l’armée romaine
et au fil du temps, le peuple entier finira par faire partie des ‘’fédérés’’ de
l’Empire, assurant la garde des frontières.
Travaillant en étroite collaboration avec les Romains, ils
s’adaptent vite au fonctionnement de l’armée romaine, accèdent à des postes
importants et reçoivent des récompenses pour leurs services.
Depuis la fin du 3ème
siècle en fait, avec l’empereur Dioclétien (287/305) nous assistons à un
fractionnement de l’autorité impériale sur le territoire de l’empire romain
d’occident, avec l’apparition des ‘’Latifundia’’, très vastes propriétés
terrières de plusieurs dizaines de milliers d’hectares avec des milliers de serfs
y travaillant et attachés à la terre, leur étant ôtée la liberté de
mouvement.
Ainsi, autour de ces vastes propriétés, se créent de petites
armées privées, entourant le maître des lieux et dont les membres sont retenus
par des liens de fidélité et de protection.
Certains parmi les Francs, particulièrement bien intégrés au
‘’monde romain’’ et haut gradés dans l’armée romaine, se verront attribuer au
moment de la retraite ces grandes propriétés et ils deviendront les garants du
pouvoir impérial dans le nord de la Gaule.
(Concept de Serge Laruë-Charlus). Ce type de réalité avec ce
morcellement du territoire d’état, nous apparaît quelque part comme un prélude
au Moyen Âge.
Vers la
fin du 5ème siècle, sur les territoires du Nord de l’ancienne province Romaine
de la Gaule, se déroulaient des évènements d’une importance capitale en ce qui
concerne la naissance et le développement de notre civilisation
Européenne.
Clovis roi des Francs (466/511)
après avoir remporté plusieurs victoires sur ce qui restait des garnisons
Romaines en Gaule (Soissons 486) et sur d’autres peuples Germaniques comme les Alamands (497) et les Wisigoths (507) étendra le
royaume Franc jusqu’aux Pyrénées.
En 497/98, suivi par de nombreux
chefs guerriers des plus fidèles, Clovis, recevant le baptême selon la doctrine
catholique adoptée par l’Église de Rome, jettera les bases d’un lien
préférentiel entre le peuple Franc, le Saint Siège et l’empereur d’Orient.
Ce lien sera destiné à se renforcer au fil des siècles, permettant une
progressive fusion entre le l’élément Franc et la population Gallo-Romaine qui
peuplait en grande majorité le royaume Franc d’alors, si on considère la très modeste présence Franque sur ces territoires.
Par ce geste fort Clovis donne naissance au premier Royaume
Germanique catholique fondé sur les ruines de l'empire romain.
Ainsi que le dis Marc Bloch: « Il s’agit de comprendre
comment de barbares qu’ils étaient, ils deviendront porteurs de civilisation ».
Ça sera ainsi que ces régions de l’Europe du Nord, qui, jusqu’au
5ème siècle faisaient partie d’un empire dont la capitale était à 1700 km au
Sud, deviendront progressivement théâtre d’évènements d’une importance
croissante dans le développement de la civilisation Européenne.
A partir du 6ème siècle, en quittant progressivement le
bassin Méditerranéen, le noyau de la civilisation se déplace vers le Nord.
L’historiographie nous avait présenté Clovis et les Francs
confondus avec les autres peuples rassemblés sous le terme de ‘’barbares’’,
tels que les Vandales, les Wisigoths, les Huns, les Ostrogoths, sans prévoir en
aucune façon leur ascension en tant que ‘’peuple fondateur’’ de la civilisation
Européenne.
Alessandro Testa essaie de souligner le fait que, même si
pour beaucoup d’aspects nous sommes les descendants de la civilisation
Gréco-romaine, la structure de la société de l’Europe médiévale n’a rien à voir
avec Rome et prend plutôt ses sources dans le monde Germanique, thématique bien
moins développée dans les textes d’histoire.
Le concept abstrait "d’Etat", très enraciné chez
les Romains, échappait au mental des Germains.
Il sera supplanté par un lien de fidélité envers le ‘’Chef
de la tribu’’ et un lien de loyauté réciproque tiendra ensemble les autres
hommes libres qui constituent une classe guerrière entourant le chef,
l’aristocratie chez les Germains.
La royauté de Clovis et de ses successeurs, prend racine
dans le monde Germanique et ce roi gouvernera avec ses fidèles (Antrustions)
sur la base de ce lien de fidélité.
Le mot ‘’trustis’’ (que nous trouvons écrit dans les sources
avec une terminaison latine) est un mot d’origine Germanique, qui remonte à un
passé plus ou moins lointain chez ces peuplades. Il s’agit d’une réunion ayant
lieu autour du feu, pendant laquelle les guerriers prenaient des décisions
concernant la collectivité.
Les mots ‘’trust’’ en Anglais et ‘’treu’’ en Allemand,
signifient ‘’fidèle’’.
Par ailleurs Jacques Le Goff dira « L’homme Romain devait
être juste (en accord avec la Loi) l’homme médiéval sera fidèle ».
Ce lien de fidélité envers le roi, de plus en plus
codifié au fil des siècles, représentera la base du système féodal.
Les VI et VIIe siècles verront les enfants et les
petits-enfants de Clovis s’entre déchirer à cause de celle qu’on appelle ‘’la
conception patrimoniale du royaume’’.
En fait chez les Francs à la mort du roi, le royaume venait à
être partagé entre ses enfants, comme s’il s’agissait d’un bien privé, d’un
patrimoine de famille.
Malgré cette instabilité dans celle qu’on appelle la
dynastie Mérovingienne, le royaume Franc ne cessera pas de s’étendre au fil du
6ème et du 7ème siècles.
Le royaume des Francs en 511, à la mort de Clovis
Dans sa conclusion Alessandro nous parle des trois
‘’ingrédients’’ qui composent la civilisation Européenne et que nous pourrions
comparer à une pizza Margherita:
1) La pâte serait représentée par une Gaule profondément
romanisée dans ses institutions, dans ses coutumes, dans les mentalités et dans
la langue.
2) La tomate est représenté par l’élément Germanique qui
apparaît sur la scène de l’histoire en tant que protagoniste, en venant s’y
étaler dessus.
3) La mozzarella en tant que le lien coagulant, est
représentée par l’idéal Chrétien, qui de l’Irlande à la Grèce, de la Russie à
Gibraltar et de la Scandinavie à la Sicile, nous fait tous sentir Européens.
Environ 80 personnes ont participé à cette présentation.
Compte-rendu : Marie Palué.
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